Blog d'utilisateur : JF VIEL

Avatar JF VIEL
par JF VIEL, mercredi 20 juillet 2022, 18:52
Gratuit

Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167

Une rixe au jeu de paume (1557)

Du XVIe au milieu du XVIIe siècle suivant, le jeu de paume est un sport qui a provoqué un véritable engouement social. Ancêtre de notre tennis, il se jouait avec une raquette tendue de cordes (qui avait progressivement remplacé un battoir de bois) et une balle de cuir garnie d’une bourre de laine, l’esteuf. En ville, la courte paume se jouait dans des salles complètement fermées, d’environ 10 sur 25 mètres, aux murs peints en noir pour faire ressortir l’esteuf, blanchi à la farine.

La consultation d’archives notariales urbaines du XVIe siècle, comme celles de Paris, révèle une activité des maîtres esteufiers et des maîtres paumiers-raquettiers particulièrement intense : les ventes et les baux de salles de jeu de paume y côtoient les contrats d’association et les contrats d’apprentissage, l'ensemble constituant une documentation presque aussi volumineuse que celles concernant les activités de première nécessité, telles que la boulangerie ou la maçonnerie…

Les jeux de paume, lieux de plaisir, accueillaient également en leurs murs des jeux d’argent plus ou moins licites. Le terme de tripot, qui qualifiait à l’origine ces salles de sport, a ainsi progressivement dérivé vers le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Outre les archives notariales, les jeux de paume ont également beaucoup nourri les archives judiciaires, de par les rixes et voies de fait qui s’y produisaient inévitablement.

En voici un exemple en 1557 : deux Parisiens se querellent au jeu de paume du Cheval blanc, situé place Maubert, ce qui a pour effet que l’un d’eux est atteint à « la mamelle du costé senestre » d’un coup de dague. Le Châtelet de Paris est aussitôt saisi, un commissaire est nommé pour mener l’information, et l’agresseur est jeté en prison. Finalement, pour mettre un terme à une procédure criminelle risquant de s’éterniser et éviter d’importants frais de justice aux deux parties, celles-ci décident de transiger devant deux notaires parisiens : moyennant le paiement à l’agressé de la coquette somme de 60 écus d’or soleil, l’agresseur sera élargi (c’est-à-dire libéré) de prison, et les information et procès criminel seront considérés « nulz comme chose non faicte ne advenue ». Cette façon de mettre un terme à une procédure judiciaire par une transaction notariée était très fréquente sous l’Ancien Régime.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557

« Honnorable homme Michel DU GOGUYER, marchant drappier chaussetier
demourant à Paris, place Maubert, confesse avoir quicté et quicte par ces
presentes du tous dès mainctenant à tousjours sans rappel, maistre Philippes
GENTIL, à present prisonnier ès prisons episcopalles de l'evesché de
Paris, absent, ses biens, ses hoirs etc. tant de tous et chascuns
les interest civil, despens, dommages et interestz qu'il a euz et souffertz
et pourroit cy après avoir et souffrir, pour raison d'un coup de
dague que ledict DU GOGUIER disoit et maintenoit luy avoir esté baillé
depuis certain temps en ça à la mamelle du costé senestre, eulx estans
jouans à la paulme ou jeu de paulme du Cheval blanc, dicte place
Maubert. Et pour raison de quoy ledict DU GOGUIER auroit faict
informer par le commissaire MARTIN et, sur icelle information, obtenu
prinse de corps, et en ce faisant constitué prisonnier ès prisons
du Chastellet de Paris. Desquelles ledict GENTIL, suivant son
requisitoire, auroit esté renvoié prisonnier esdictes prisons dudict
evesché de Paris, où il est comme dict est de present. Laquelle
information partant et procès criminel et autres contre ledict GENTIL faictz
sont et demourent nulz comme chose non faicte ne advenue,
que de toutes autres choses generallement quelzconques
dont ledict DU GOGUIER luy eust peu faire demande, action et poursuitte
de tout le temps passé jusques à huy, dacte de ces presentes.
Ceste quictance generalle ainsi faicte tant moyennant
la somme de soixante escuz d'or soleil que pour ce ledict
DU GOGUIER en confesse avoir eue et receue dudict GENTIL,
dont etc. quictant etc., que aussi que ledict DU GOGUYER
sera et demourera quicte envers ledict GENTIL de toutes
choses quelzconques jusques à cedict jour. Et en ce faisant,
ledict DU GOGUIER consent et accorde par ces presentes, en
tant que à luy est, ledict GENTIL estre mis hors desdictes
prisons à pur et à plain. Et demeurent tous procès qu'ilz avoient
entre eulx pour raison de ce nulz et assopiz, sans aucuns
autres despens, dommages ne interestz, et à la charge que
chacun d'eulx paiera son procureur et conseil. Promectant etc. Obligeant etc. Renonceant etc. Faict et
passé l'an mil Vcinquante sept, le mardi neufiesme jour de
novembre. »

Ainsi signé : K. FARDEAU, notaire, avec paraphe / T. PERIER, notaire, avec paraphe.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557.
Illustration : Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167.


[ Modifié: jeudi 21 juillet 2022, 07:01 ]

Commentaires

     
    Avatar JF VIEL
    par JF VIEL, samedi 21 novembre 2020, 11:36
    Gratuit
    Le document qui suit est assez exceptionnel : il s’agit d’une convention notariée par laquelle un mari et une femme, qui ne se supportent plus, organisent leur séparation de corps.

    Le 8 avril 1551, Pierre de Cantiers et son épouse Adrienne des Haies, tous deux nobles, mariés depuis douze à treize ans et vivant à Sainefontaine[1], près de Beauvais, se présentent en l’étude d’un notaire de Rouen[2]. Le mari y expose ne plus pouvoir tolérer les mœurs (comprendre la nature, le caractère)[3] de sa femme. Les descordz[4] et contemptions[5] qui sont entre eux les empêchent de bonnement vivre en paix ensemble en tranquillité de leur conscience, à tel point qu’ils ont un temps envisagé un divorce. Sous l’Ancien Régime, le divorce (divortium) était une procédure portée devant l’official, juge ecclésiastique rendant la justice au nom de l’évêque. Lorsqu’il était accordé, ce divorce actait une séparation de corps des époux, mais rendait impossible tout remariage de l’une ou de l’autre des parties, le lien sacré du mariage restant indissoluble.

    Nos époux, voulant éviter une telle procédure qu’ils jugent scandaleuse, ont alors l’idée, sur les conseils de leurs amis, d’organiser leur séparation de corps dans l’intimité de l’étude d’un notaire rouennais. La convention est initialement dressée de façon anonyme, le mari y étant désigné par la seule lettre P. (comme Pierre) et la femme par la seule lettre A. (comme Adrienne) ; les précisions sur l’identité des époux ne seront ajoutées – en interligne – qu’au moment de la signature du document.

    Il est convenu que l’épouse ira habiter en la maison d’un sien parent de Rouen, François de Ponches, sieur du Mesnil-Vasse. Pour lui permettre de vivre honnestementtant pour ses allymentz, vestementz que aultres ses necessités, son mari s’engage à lui verser une rente annuelle de 80 livres tournois – à savoir 20 livres à Pâques, à la Saint-Jean, à la Saint-Michel et à Noël – tant qu'elle sera demeurante hors d'avecq luy. Le couple n’ayant aucun enfant, la séparation de corps est simple à mettre en œuvre et n’occasionne aucune autre disposition.

    Cette convention, signée d’une main ferme par Pierre de Cantiers et Adrienne des Haies, est par la suite confirmée comme raisonnable et de justice par les consuls de Rouen, ce qui semble indiquer que les époux, bien que nobles, avaient des intérêts commerciaux dans la région. En ce même 8 avril 1551, Adrienne des Haies donne procuration à son mari pour vendre une maison appartenant audit Cantiers, sise en la paroisse Sainte-Marguerite de Beauvais, de façon à constituer le capital de la rente.

    Les séparations de corps réglées devant notaire pour incompatibilité d’humeur sont rarissimes. On en trouve encore quelques exemples au XVIIe siècle, puis ces actes semblent disparaître purement et simplement de la pratique notariale. Une étude exclusivement consacrée à cette question serait passionnante !

    __________
    [1] Sainefontaine, hameau dépendant de Bulles (60130).
    [2] Arch. dép. de Seine-Maritime, 2E1/863, 8 avril 1551. En ligne : vues 52 à 56/891

    [3] Sur la minute, le mot mœurs a remplacé complections (complexions, c’est-à-dire caractère, tempérament), qui a été biffé.
    [4] Désaccords, différends.
    [5] Mépris.


    Sur le plan paléographique, l’écriture est clairement cursive, démontrant au passage la virtuosité du clerc. Les abréviations (par contraction, suspension, notes tironiennes, signes spéciaux et lettres spéciales) sont assez nombreuses et parfois très sévères. Voir par exemple l’abréviation du verbe pretendre, à l’avant-dernière ligne de la première page de la procuration du 8 avril 1551 :

    p(re)t(en)d(re)

    p(re)t(en)d(re)

    Comme souvent, la cursivité de l’écriture augmente à mesure qu’on s’approche de la fin de l’acte, les formules terminales n’étant d’ailleurs plus que suggérées... Les nombreuses ratures, ajouts en interligne et en marge sont caractéristiques des minutes notariales de la moitié nord de la France, au milieu du XVIe siècle.


    Convention du 8 avril 1551 : transcription


    Par souci de lisibilité, le texte a ici été restitué sous sa forme définitive, les passages biffés ayant été supprimés et les ajouts en interligne et en marge ayant été replacés dans le corps du texte.

    Convention du 8 avril 1551 - Page 1


    « Du mercredi huictiesme jour d'avril
    mil Vc cinquante et ung, aprez Pasques.


    « Comme depuys le mariage celebré en face de Saincte
    Eglise d'entre noble homme Pierre de Cantiers, seigneur du lieu, demourant
    à Senefontayne prez Beauvays, et damoiselle Adrianne Deshaies
    puys douze à traize ans ou environ,
    constant lequel mariage lesdictz
    mariez aient eu quelques descordz et
    contemptions entre eulx, tellement qu'ilz n'ont
    peu bonnement vivre en paix ensemble en
    tranquillité de leur conscience. Et pour
    ce auroient esté en termes de aager[1] l'un vers
    l'aultre en divorse, mesmement de la part dudict
    de Quantiers pour ce qu'il disoit ne pouvoir tollerer
    les moeurs de ladicte damoiselle, toutesfois
    en fin, pour eviter tout scandalle, aient
    par le conseil de leurs amys cherché
    moyens de concorder entre
    eulx au myeulx qu'il leur seroit possible.
    Sçavoir faisons etc. pardevant
    etc. furent presens lesdictz de Cantiers et ladicte damoiselle
    Adrienne Deshaies, lesquelz de leurs bon gré et voluntez
    etc. confesserent avoir faict accord entre
    eulx, par lequel ladicte damoiselle,
    du consentement dudict seigneur de Cantiers, son mary, et par luy
    bien auctorisée quant à ce, a accordé
    soy retirer en la maison de noble homme
    Françoys de Ponches, seigneur du Mesnil Vasse,
    et en icelle faire sa demeure et residence


    _____
    [1] Agir.

    Convention 2
    Convention du 8 avril 1551 - Page 2


    jusques à ce que lesdictes parties puissent, aydant
    la grace de Dieu, estre
    reconsiliez ensemble. Et affin que ladicte
    damoiselle ait occasion et moyen de
    vivre honnestement et se contenter dudict son
    mary, icelluy de Cantiers, son mary, a promys
    et s'est obligé payer par voye d’execution à ladicte damoiselle
    la somme de quatre vingtz livres tournois par chacun an, payable
    aux quatre termes de l'an accoustumez,
    assavoir Pasques, Sainct Jehan, Sainct
    Michel et Noel, et le tout rendu
    à ses despens en la maison dudict de Ponches,
    [renvoi en marge : premier paiement commenceant à Pasques dernière passée et ainsi contynuer de terme en terme].
    Laquelle somme de quatre vingtz livres tournois ladicte damoiselle
    s'est contentée tant pour ses allymentz,
    vestementz que aultres ses necessités,
    et a promys ne demander audict son mary
    aultre chose pour le temps qu'elle sera
    demeurante hors d'avecq luy. Et si
    a promys durant ledict temps demeurer
    en ladicte maison dudict de Ponches ou
    aultre lieu honneste par
    desliberation desdictz de Ponches du Mesnil Vasse et de Cantiers. Promectans lesdictes
    parties tenir les choses dessusdictes soubz
    l'obligation de tous leurs biens et heritages.
    Presens Nicolas Massieu, marchant, demeurant en la paroisse St Maclou
    de Rouen, et Adam Bihorel, hostellier, demeurant en la paroisse
    St Vigor dudict Rouen. »


    Ainsi signé : P. de Cantiers
    Adrianne des Haies.

    Convention 3
    Convention du 8 avril 1551 - Page 3


    « Semble aux conseulx soubz signez ausquelz
    a esté communiqué la minutte cy dessus que
    icelle est raisonnable et que l'accord y
    mentionné par les termes qu'il est, est de
    justice. »


    Ainsi signé : Colombel, avec paraphe / Lambert, avec paraphe.



    Procuration du 8 avril 1551 : transcription

    Procuration

    Procuration du 8 avril 1551 - Page 1


    « Du mercredi huictiesme jour d'avril, après
    Pasques Vc LI.


    « Fut presente damoiselle Adrienne Deshayes, femme
    de noble homme Pierre de Cantiers, seigneur du lieu, demeurant
    à Sene Fontaine près Beauvais, laquelle après qu'elle
    eult esté deuement auctorisée par ledict seigneur son mary, present
    quant à ce, de son bon gré constitua son procureur general
    et especial, c'est assavoir ledict sieur de Cantiers, son mary,
    en tout le faict et stille de plaidarye, et par especial
    ladicte constituante a donné et donne par sesdictes presentes, en tant
    que à elle est et que le cas luy peult toucher,
    plain pouvoir, puissance et auctorité audict seigneur de Cantiers,
    son mary, portant icelles, de pour elle et en son
    nom vendre, transporter, fieffer, eschanger et
    aultrement aliener une maison et
    heritage audict seigneur de Cantiers appartenant,
    assise en la parroisse de Saincte Marguerite en
    la ville de Beauvais, à telle
    personne ou personnes et par tel prix, charges
    conditions et moiens que ledict seigneur de Cantiers,
    son mary, verra bien estre, recevoir les
    deniers provenans de ladicte vendue et en faire telle
    quictance que icelluy seigneur de Cantiers verra
    bien estre, et mesmes de
    pour elle et en son nom renoncer
    à tout et tel droict de douaire, asignation de
    mariage ou aultre droict heredital qu'elle pourroit
    avoir, pretendre et demander sur ladicte
    maison dessus declarée et d'en passer

    Procuration 2
    Procuration du 8 avril 1551 - Page 2


    telles lectres de vendue, fieffe et eschange et renonciation que
    mestier serra et au cas appartiendra. Et generallement etc.
    promectans tenir etc. obligeans biens etc.
    Presens Nicolas Massieu et Adam Bihorel. »


    Ainsi signé : P. de Cantiers
    Adriane des Haies. »

    Bibliographie

    • David BASTIDE, "La survivance des coutumes dans la jurisprudence du XIXe siècle (1800-1830) - Autour de la femme, de la dot et du douaire normands", Annales de Normandie, n° 56, 2006, p. 395-414 (http://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_2006_num_56_3_1586)
    • Adrien Jean Quentin BEUCHOT, Oeuvres de Voltaire - Avec préfaces, avertissements, notes, etc., vol. 28, Paris, chez Lefèvre, 1829, article "divorce", p. 436-439
    • Sylvain BLOQUET, “Le mariage, un contrat perpétuel par sa destination (Portalis)”, Napoleonica. La Revue, 2012/2, n°14, p. 74-110
    • Jean-Louis HALPERIN, "Les fondements historiques des droits de la famille en Europe - La lente évolution vers l'égalité", Informations sociales, n° 129, 2006, p. 44-55 (https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2006-1-page-44.htm)
    • François LEBRUN, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris (Armand Colin), 1985
    • Stéphane MINVIELLE, La famille en France à l’époque moderne, Paris (Armand Colin), 2010
    • Roderick G. PHILLIPS, "Le divorce en France à la fin du XVIIIe siècle", Annales, n° 34, 1979, p. 385-398

    [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 16:32 ]

    Commentaires

     
    Avatar JF VIEL
    par JF VIEL, samedi 21 novembre 2020, 11:14
    Gratuit

    Voici un document intéressant sur le plan généalogique : il s'agit d'arbres généalogiques qui explicitent la triple "parenté qui est entre le Roy et madame sa seur, avec le prince et l'infante d'Espagne". Le Roi est Louis XIII et sa sœur Élisabeth de France ; l'infant d'Espagne est le futur Philippe IV (qui n'a alors que 10 ans !) et l'infante sa sœur Anne d'Autriche.
    Comme on le sait, une double alliance unira les deux familles, Louis XIII épousant Anne d'Autriche (28 novembre 1615 à Bordeaux) et Élisabeth de France épousant le futur Philippe IV (25 novembre 1615 à Bordeaux). Ces tableaux ont été réalisés à Poitiers en septembre 1615, préalablement au double mariage.
    On y relève les liens de parenté tels qu'ils étaient comptés par le droit canon. Ce qui est très utile aux généalogistes.

    Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 6392.

    [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 12:19 ]

    Commentaires

     
    Gratuit

    Ce texte, extrait des livres de couleur du Châtelet de Paris (Archives nationales, Y 6/6, f°102 r°), est une sentence rendue par le Parlement de Paris le 8 août 1523, ordonnant la première exécution d’un protestant en France.
    Le supplicié se nommait Jean Vallière. Natif d’Acqueville, près de Falaise, il était devenu moine augustin au couvent de Livry-en-Aulnois, près de Paris. Progressivement gagné aux idées du cénacle de Meaux puis à celles de Luther, il eut l’outrecuidance d’affirmer publiquement, ainsi que le rapporte le "Journal d’un bourgeois de Paris", que « Nostre Seigneur Jesus Christ avoit esté de Joseph et de Nostre Dame conceu comme nous autres humains ». Il n'en fallut pas davantage pour que sa condamnation à mort soit prononcée, dans des conditions particulièrement atroces, pour servir d'exemple...
    Transcription :
    « Extraict des registres de Parlement.
    « Veues par la court les charges et informacions faictes par le juge et garde des
    prevostz et soubz baillye de Poissy ou son lieutenant alencontre de Jehan VALLIERE, soy
    disant hermite, prisonnier en la conciergerie du Pallais pour raison des excecrables
    et detestables blaphemes par luy dictz et proferez de Nostre Saulveur et Redempteur
    Jhesus Crist et de la Glorieuse Vierge Marie sa mere, les interrogatoires et confessions
    dudict Valliere faictes par devant aucun conseiller d'icelle court à ce faire par elle
    commis, les recollemens de tesmoings et confrontacions faictes audict prisonnier.
    Et luy oy et interrogé en ladicte court sur lesdictz cas, lequel c'est advoué
    clerc et comme tel a requis estre rendu à son ordinaire. Et tout consideré,
    dit a esté que ledict VALLIERE ne sera rendu comme clerc et ne joyra de privilleige
    de clericature. Et au surplus la court pour raison desdictz cas a condempné
    et condempne ledict VALLIERE à estre mené en ung tumbereau où l'en porte les
    immundices de la ville jusques devant l'eglise Nostre Dame de Paris, et illec
    requerir mercy et pardon à Dieu et à la Vierge Marie desdictz blaphemes. Et ce
    faict estre d'illec mené au marché aux pourceaulx et illec avoir la langue
    couppée et après estre bruslé tout vif, son habit et son corps mis en
    cendre. Et a ordonné et ordonne ladicte court que le procès faict contre ledict
    VALLIERE sera bruslé. Et declaire ses biens confisquez. Faict et excecuté
    le huitiesme jour d'aoust l'an mil cinq cens vingt troys. Ainsi signé
    MALON. Collation est faicte. »
    Ainsi signé : LORMIER, avec paraphe.

    Bibliographie :
    - Journal d’un bourgeois de Paris (1515-1536), Paris, 1910, pp. 397-398.
    - John Viénot, Histoire de la Réforme française, Paris, 1926, vol. 1, p. 90.
    - David El Kenz, Les bûchers du Roi : la culture protestante des martyrs (1523-1572), Paris, 1997, p. 10.
    [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 16:39 ]

    Commentaires

     
    Gratuit

    Nous sommes à Paris en 1598(1). L’établissement de la succession de Paris Hesselin, un riche conseiller du Roi et maître ordinaire de la Chambre des comptes, nécessite de dresser un inventaire des titres et papiers demeurés après son décès. Un gros acte de quelque 144 pages recense ainsi un grand nombre de pièces, tant actes notariés que sentences et autres pièces de procédure. L’écriture du clerc est très cursive et les abréviations y sont particulièrement nombreuses, ce qui fait de cet acte une vraie pièce de choix pour un paléographe !
    Ce qui est ici exceptionnel, c’est que le patronyme « parlant » d’une personne citée dans ces pièces fait l’objet d’une abréviation : Anne de Quatrelivres devient ainsi « Anne de IIII L ». Contrairement à l’usage antique, qui notait quatre en chiffres romains sous la forme « IV », les clercs des XVIe-XVIIe siècles lui préféraient la forme « IIII ». Quant à la lettre L placée en exposant, elle prenait la valeur de « livres », l’une des principales unités de compte de l’époque.

    Voici cette abréviation replacée dans son contexte :
    « Item un brevet dudict Chastelet signé Le Charron et Dunesmes du Vme aoust 1544 contenant
    Me Pierre du Hamel, sieur de Guibeville, conseiller du Roy et auditeur de ses comptes,
    et damoiselle Anne de Quatrelivres sa femme, de luy auctorisée, avoir vendu et promis garantir
    audict Me Paris Hesselin XXVlt. de rente annuelle à eulx appartenant et constituée
    par la ville le Vme avril 1543, signé Quentin et Cordelle, pour les
    causes et ainsi etc. avec lequel sont les lectres de constitution de ladicte rente
    assize sur les fermes de l’imposition du vin vendu en gros, huictiesme
    du vin et aultres breuvages vendus au detail et tavernes aux villes et villages à plain
    mentionnez par lesdictes lectres, ainsi inventorié au doz de chaque…………..XL. »

    (1) Archives nationales, Minutier central, LXXVIII-157, 20 mai 1598.

    [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 16:44 ]

    Commentaires

       
      Avatar JF VIEL
      par JF VIEL, samedi 21 novembre 2020, 10:33
      Gratuit

      Nos ancêtres adoraient les redondances, les formules juridiques des actes notariés ou judiciaires en regorgent.
      En fin d'intitulation des inventaires après décès de l'Ancien Régime, il est ainsi fréquent de rencontrer la formule suivante : "sans aulcuns [biens] en lattiter, cacher, musser ne receller".
      Les verbes latiter, cacher, musser et recéler renvoient tous au même sens, celui de cacher, de dissimuler.
      Voici l'intitulation d'un inventaire après décès parisien du 2 juillet 1588 contenant cette formule (Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23).

      Transcription :

      Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23

      « L'an mil VC quatre vingtz huict, le samedy après
      midy second jour de juillet, à la requeste et presence
      de Jehanne BELLENGER, vefve de feu Pierre
      SELINCART, vivant marchant suyvant la Court, et elle
      de present servante demourant au logis de Nicolas
      HARDY, marchant grainnyer demourant à Paris, rue de
      Montorguieul, parroisse St Eustache(1). Et aussy
      en la presence dudict Nicolas HARDY, beau frere de ladicte
      BELLENGER à cause de Jeanne SELINCART à present
      sa femme, subrogé
      tuteur dudict myneur(2) et à la
      conservation du droict qu'il apartiendra, par Jehan
      CHAPELLAIN et Jehan MURET, notaires du Roy nostre sire
      au Chastelet de Paris soubz signés, fut et a esté faict
      inventaire et description de tous et chacuns les biens
      meubles, ustancilles d'hostel et aultres choses
      demourez après le decedz et trespas dudict deffunct
      et qu'elle a de present en sa possesssion et à elle
      apartenans, trouvez et estans en la seconde chambre
      de la maison où ledict HARDY est à present demourant,
      monstrez et enseignez par ladicte vefve après
      serment solempnel par elle faict ès
      mains desdictz notaires, de tout ce qu'elle a
      de present en sa possession et à elle apartenans, monstrer
      et enseigner pour estre mys par escript
      en ce present inventaire, sans aulcuns en lattiter,
      cacher, musser ne receller sur les
      peynes de droict en tel cas introduictes,
      à elle exprimées et données à
      Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23 (2)
      entendre par lesdictz notaires, prisez et estimez
      par Pierre DAN Lesné, sergent à verge priseur juré
      et vendeur de biens meubles ès ville,
      prevosté et viconté de Paris, aussi après
      serment solempnel par luy faict ès mains desdictz
      notaires de tout ce qui luy sera
      monstrer priser et estimer en sa conscience
      sans porter faveur à l'une ne à l'aultre
      des partyes eu esgard au cours et temps
      de present et que biens meubles peuvent
      valloir, lesquelz il a prisez et
      estimez aux sommes de deniers selon
      et ainsi que s'ensuit. Ladicte vefve a
      declaré ne sçavoir escripre ne signer. »
      Ainsi signé : Nicolas HARDY.

      Renvois en marge :
      (1) « tant en son nom
      que comme tutrice et
      curatrice de
      Jehan SELINCART,
      aagé de VI ans
      ou environ, filz myneur
      d'ans dudict deffunct
      et d'elle. »
      (2) « quant aux
      actions, partage,
      division, redition
      de compte et
      aultres actions
      d'entre ledict
      myneur et sadicte mere. »

      [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 16:45 ]

      Commentaires