User blog: JF VIEL

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by JF VIEL - Wednesday, 20 July 2022, 6:52 PM
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Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167

Une rixe au jeu de paume (1557)

Du XVIe au milieu du XVIIe siècle suivant, le jeu de paume est un sport qui a provoqué un véritable engouement social. Ancêtre de notre tennis, il se jouait avec une raquette tendue de cordes (qui avait progressivement remplacé un battoir de bois) et une balle de cuir garnie d’une bourre de laine, l’esteuf. En ville, la courte paume se jouait dans des salles complètement fermées, d’environ 10 sur 25 mètres, aux murs peints en noir pour faire ressortir l’esteuf, blanchi à la farine.

La consultation d’archives notariales urbaines du XVIe siècle, comme celles de Paris, révèle une activité des maîtres esteufiers et des maîtres paumiers-raquettiers particulièrement intense : les ventes et les baux de salles de jeu de paume y côtoient les contrats d’association et les contrats d’apprentissage, l'ensemble constituant une documentation presque aussi volumineuse que celles concernant les activités de première nécessité, telles que la boulangerie ou la maçonnerie…

Les jeux de paume, lieux de plaisir, accueillaient également en leurs murs des jeux d’argent plus ou moins licites. Le terme de tripot, qui qualifiait à l’origine ces salles de sport, a ainsi progressivement dérivé vers le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Outre les archives notariales, les jeux de paume ont également beaucoup nourri les archives judiciaires, de par les rixes et voies de fait qui s’y produisaient inévitablement.

En voici un exemple en 1557 : deux Parisiens se querellent au jeu de paume du Cheval blanc, situé place Maubert, ce qui a pour effet que l’un d’eux est atteint à « la mamelle du costé senestre » d’un coup de dague. Le Châtelet de Paris est aussitôt saisi, un commissaire est nommé pour mener l’information, et l’agresseur est jeté en prison. Finalement, pour mettre un terme à une procédure criminelle risquant de s’éterniser et éviter d’importants frais de justice aux deux parties, celles-ci décident de transiger devant deux notaires parisiens : moyennant le paiement à l’agressé de la coquette somme de 60 écus d’or soleil, l’agresseur sera élargi (c’est-à-dire libéré) de prison, et les information et procès criminel seront considérés « nulz comme chose non faicte ne advenue ». Cette façon de mettre un terme à une procédure judiciaire par une transaction notariée était très fréquente sous l’Ancien Régime.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557

« Honnorable homme Michel DU GOGUYER, marchant drappier chaussetier
demourant à Paris, place Maubert, confesse avoir quicté et quicte par ces
presentes du tous dès mainctenant à tousjours sans rappel, maistre Philippes
GENTIL, à present prisonnier ès prisons episcopalles de l'evesché de
Paris, absent, ses biens, ses hoirs etc. tant de tous et chascuns
les interest civil, despens, dommages et interestz qu'il a euz et souffertz
et pourroit cy après avoir et souffrir, pour raison d'un coup de
dague que ledict DU GOGUIER disoit et maintenoit luy avoir esté baillé
depuis certain temps en ça à la mamelle du costé senestre, eulx estans
jouans à la paulme ou jeu de paulme du Cheval blanc, dicte place
Maubert. Et pour raison de quoy ledict DU GOGUIER auroit faict
informer par le commissaire MARTIN et, sur icelle information, obtenu
prinse de corps, et en ce faisant constitué prisonnier ès prisons
du Chastellet de Paris. Desquelles ledict GENTIL, suivant son
requisitoire, auroit esté renvoié prisonnier esdictes prisons dudict
evesché de Paris, où il est comme dict est de present. Laquelle
information partant et procès criminel et autres contre ledict GENTIL faictz
sont et demourent nulz comme chose non faicte ne advenue,
que de toutes autres choses generallement quelzconques
dont ledict DU GOGUIER luy eust peu faire demande, action et poursuitte
de tout le temps passé jusques à huy, dacte de ces presentes.
Ceste quictance generalle ainsi faicte tant moyennant
la somme de soixante escuz d'or soleil que pour ce ledict
DU GOGUIER en confesse avoir eue et receue dudict GENTIL,
dont etc. quictant etc., que aussi que ledict DU GOGUYER
sera et demourera quicte envers ledict GENTIL de toutes
choses quelzconques jusques à cedict jour. Et en ce faisant,
ledict DU GOGUIER consent et accorde par ces presentes, en
tant que à luy est, ledict GENTIL estre mis hors desdictes
prisons à pur et à plain. Et demeurent tous procès qu'ilz avoient
entre eulx pour raison de ce nulz et assopiz, sans aucuns
autres despens, dommages ne interestz, et à la charge que
chacun d'eulx paiera son procureur et conseil. Promectant etc. Obligeant etc. Renonceant etc. Faict et
passé l'an mil Vcinquante sept, le mardi neufiesme jour de
novembre. »

Ainsi signé : K. FARDEAU, notaire, avec paraphe / T. PERIER, notaire, avec paraphe.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557.
Illustration : Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167.


[ Modified: Thursday, 21 July 2022, 7:01 AM ]
 
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by JF VIEL - Saturday, 21 November 2020, 11:36 AM
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Le document qui suit est assez exceptionnel : il s’agit d’une convention notariée par laquelle un mari et une femme, qui ne se supportent plus, organisent leur séparation de corps.

Le 8 avril 1551, Pierre de Cantiers et son épouse Adrienne des Haies, tous deux nobles, mariés depuis douze à treize ans et vivant à Sainefontaine[1], près de Beauvais, se présentent en l’étude d’un notaire de Rouen[2]. Le mari y expose ne plus pouvoir tolérer les mœurs (comprendre la nature, le caractère)[3] de sa femme. Les descordz[4] et contemptions[5] qui sont entre eux les empêchent de bonnement vivre en paix ensemble en tranquillité de leur conscience, à tel point qu’ils ont un temps envisagé un divorce. Sous l’Ancien Régime, le divorce (divortium) était une procédure portée devant l’official, juge ecclésiastique rendant la justice au nom de l’évêque. Lorsqu’il était accordé, ce divorce actait une séparation de corps des époux, mais rendait impossible tout remariage de l’une ou de l’autre des parties, le lien sacré du mariage restant indissoluble.

Nos époux, voulant éviter une telle procédure qu’ils jugent scandaleuse, ont alors l’idée, sur les conseils de leurs amis, d’organiser leur séparation de corps dans l’intimité de l’étude d’un notaire rouennais. La convention est initialement dressée de façon anonyme, le mari y étant désigné par la seule lettre P. (comme Pierre) et la femme par la seule lettre A. (comme Adrienne) ; les précisions sur l’identité des époux ne seront ajoutées – en interligne – qu’au moment de la signature du document.

Il est convenu que l’épouse ira habiter en la maison d’un sien parent de Rouen, François de Ponches, sieur du Mesnil-Vasse. Pour lui permettre de vivre honnestementtant pour ses allymentz, vestementz que aultres ses necessités, son mari s’engage à lui verser une rente annuelle de 80 livres tournois – à savoir 20 livres à Pâques, à la Saint-Jean, à la Saint-Michel et à Noël – tant qu'elle sera demeurante hors d'avecq luy. Le couple n’ayant aucun enfant, la séparation de corps est simple à mettre en œuvre et n’occasionne aucune autre disposition.

Cette convention, signée d’une main ferme par Pierre de Cantiers et Adrienne des Haies, est par la suite confirmée comme raisonnable et de justice par les consuls de Rouen, ce qui semble indiquer que les époux, bien que nobles, avaient des intérêts commerciaux dans la région. En ce même 8 avril 1551, Adrienne des Haies donne procuration à son mari pour vendre une maison appartenant audit Cantiers, sise en la paroisse Sainte-Marguerite de Beauvais, de façon à constituer le capital de la rente.

Les séparations de corps réglées devant notaire pour incompatibilité d’humeur sont rarissimes. On en trouve encore quelques exemples au XVIIe siècle, puis ces actes semblent disparaître purement et simplement de la pratique notariale. Une étude exclusivement consacrée à cette question serait passionnante !

__________
[1] Sainefontaine, hameau dépendant de Bulles (60130).
[2] Arch. dép. de Seine-Maritime, 2E1/863, 8 avril 1551. En ligne : vues 52 à 56/891

[3] Sur la minute, le mot mœurs a remplacé complections (complexions, c’est-à-dire caractère, tempérament), qui a été biffé.
[4] Désaccords, différends.
[5] Mépris.


Sur le plan paléographique, l’écriture est clairement cursive, démontrant au passage la virtuosité du clerc. Les abréviations (par contraction, suspension, notes tironiennes, signes spéciaux et lettres spéciales) sont assez nombreuses et parfois très sévères. Voir par exemple l’abréviation du verbe pretendre, à l’avant-dernière ligne de la première page de la procuration du 8 avril 1551 :

p(re)t(en)d(re)

p(re)t(en)d(re)

Comme souvent, la cursivité de l’écriture augmente à mesure qu’on s’approche de la fin de l’acte, les formules terminales n’étant d’ailleurs plus que suggérées... Les nombreuses ratures, ajouts en interligne et en marge sont caractéristiques des minutes notariales de la moitié nord de la France, au milieu du XVIe siècle.


Convention du 8 avril 1551 : transcription


Par souci de lisibilité, le texte a ici été restitué sous sa forme définitive, les passages biffés ayant été supprimés et les ajouts en interligne et en marge ayant été replacés dans le corps du texte.

Convention du 8 avril 1551 - Page 1


« Du mercredi huictiesme jour d'avril
mil Vc cinquante et ung, aprez Pasques.


« Comme depuys le mariage celebré en face de Saincte
Eglise d'entre noble homme Pierre de Cantiers, seigneur du lieu, demourant
à Senefontayne prez Beauvays, et damoiselle Adrianne Deshaies
puys douze à traize ans ou environ,
constant lequel mariage lesdictz
mariez aient eu quelques descordz et
contemptions entre eulx, tellement qu'ilz n'ont
peu bonnement vivre en paix ensemble en
tranquillité de leur conscience. Et pour
ce auroient esté en termes de aager[1] l'un vers
l'aultre en divorse, mesmement de la part dudict
de Quantiers pour ce qu'il disoit ne pouvoir tollerer
les moeurs de ladicte damoiselle, toutesfois
en fin, pour eviter tout scandalle, aient
par le conseil de leurs amys cherché
moyens de concorder entre
eulx au myeulx qu'il leur seroit possible.
Sçavoir faisons etc. pardevant
etc. furent presens lesdictz de Cantiers et ladicte damoiselle
Adrienne Deshaies, lesquelz de leurs bon gré et voluntez
etc. confesserent avoir faict accord entre
eulx, par lequel ladicte damoiselle,
du consentement dudict seigneur de Cantiers, son mary, et par luy
bien auctorisée quant à ce, a accordé
soy retirer en la maison de noble homme
Françoys de Ponches, seigneur du Mesnil Vasse,
et en icelle faire sa demeure et residence


_____
[1] Agir.

Convention 2
Convention du 8 avril 1551 - Page 2


jusques à ce que lesdictes parties puissent, aydant
la grace de Dieu, estre
reconsiliez ensemble. Et affin que ladicte
damoiselle ait occasion et moyen de
vivre honnestement et se contenter dudict son
mary, icelluy de Cantiers, son mary, a promys
et s'est obligé payer par voye d’execution à ladicte damoiselle
la somme de quatre vingtz livres tournois par chacun an, payable
aux quatre termes de l'an accoustumez,
assavoir Pasques, Sainct Jehan, Sainct
Michel et Noel, et le tout rendu
à ses despens en la maison dudict de Ponches,
[renvoi en marge : premier paiement commenceant à Pasques dernière passée et ainsi contynuer de terme en terme].
Laquelle somme de quatre vingtz livres tournois ladicte damoiselle
s'est contentée tant pour ses allymentz,
vestementz que aultres ses necessités,
et a promys ne demander audict son mary
aultre chose pour le temps qu'elle sera
demeurante hors d'avecq luy. Et si
a promys durant ledict temps demeurer
en ladicte maison dudict de Ponches ou
aultre lieu honneste par
desliberation desdictz de Ponches du Mesnil Vasse et de Cantiers. Promectans lesdictes
parties tenir les choses dessusdictes soubz
l'obligation de tous leurs biens et heritages.
Presens Nicolas Massieu, marchant, demeurant en la paroisse St Maclou
de Rouen, et Adam Bihorel, hostellier, demeurant en la paroisse
St Vigor dudict Rouen. »


Ainsi signé : P. de Cantiers
Adrianne des Haies.

Convention 3
Convention du 8 avril 1551 - Page 3


« Semble aux conseulx soubz signez ausquelz
a esté communiqué la minutte cy dessus que
icelle est raisonnable et que l'accord y
mentionné par les termes qu'il est, est de
justice. »


Ainsi signé : Colombel, avec paraphe / Lambert, avec paraphe.



Procuration du 8 avril 1551 : transcription

Procuration

Procuration du 8 avril 1551 - Page 1


« Du mercredi huictiesme jour d'avril, après
Pasques Vc LI.


« Fut presente damoiselle Adrienne Deshayes, femme
de noble homme Pierre de Cantiers, seigneur du lieu, demeurant
à Sene Fontaine près Beauvais, laquelle après qu'elle
eult esté deuement auctorisée par ledict seigneur son mary, present
quant à ce, de son bon gré constitua son procureur general
et especial, c'est assavoir ledict sieur de Cantiers, son mary,
en tout le faict et stille de plaidarye, et par especial
ladicte constituante a donné et donne par sesdictes presentes, en tant
que à elle est et que le cas luy peult toucher,
plain pouvoir, puissance et auctorité audict seigneur de Cantiers,
son mary, portant icelles, de pour elle et en son
nom vendre, transporter, fieffer, eschanger et
aultrement aliener une maison et
heritage audict seigneur de Cantiers appartenant,
assise en la parroisse de Saincte Marguerite en
la ville de Beauvais, à telle
personne ou personnes et par tel prix, charges
conditions et moiens que ledict seigneur de Cantiers,
son mary, verra bien estre, recevoir les
deniers provenans de ladicte vendue et en faire telle
quictance que icelluy seigneur de Cantiers verra
bien estre, et mesmes de
pour elle et en son nom renoncer
à tout et tel droict de douaire, asignation de
mariage ou aultre droict heredital qu'elle pourroit
avoir, pretendre et demander sur ladicte
maison dessus declarée et d'en passer

Procuration 2
Procuration du 8 avril 1551 - Page 2


telles lectres de vendue, fieffe et eschange et renonciation que
mestier serra et au cas appartiendra. Et generallement etc.
promectans tenir etc. obligeans biens etc.
Presens Nicolas Massieu et Adam Bihorel. »


Ainsi signé : P. de Cantiers
Adriane des Haies. »

Bibliographie

  • David BASTIDE, "La survivance des coutumes dans la jurisprudence du XIXe siècle (1800-1830) - Autour de la femme, de la dot et du douaire normands", Annales de Normandie, n° 56, 2006, p. 395-414 (http://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_2006_num_56_3_1586)
  • Adrien Jean Quentin BEUCHOT, Oeuvres de Voltaire - Avec préfaces, avertissements, notes, etc., vol. 28, Paris, chez Lefèvre, 1829, article "divorce", p. 436-439
  • Sylvain BLOQUET, “Le mariage, un contrat perpétuel par sa destination (Portalis)”, Napoleonica. La Revue, 2012/2, n°14, p. 74-110
  • Jean-Louis HALPERIN, "Les fondements historiques des droits de la famille en Europe - La lente évolution vers l'égalité", Informations sociales, n° 129, 2006, p. 44-55 (https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2006-1-page-44.htm)
  • François LEBRUN, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris (Armand Colin), 1985
  • Stéphane MINVIELLE, La famille en France à l’époque moderne, Paris (Armand Colin), 2010
  • Roderick G. PHILLIPS, "Le divorce en France à la fin du XVIIIe siècle", Annales, n° 34, 1979, p. 385-398

[ Modified: Saturday, 21 November 2020, 4:32 PM ]
 
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by JF VIEL - Saturday, 21 November 2020, 11:14 AM
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Voici un document intéressant sur le plan généalogique : il s'agit d'arbres généalogiques qui explicitent la triple "parenté qui est entre le Roy et madame sa seur, avec le prince et l'infante d'Espagne". Le Roi est Louis XIII et sa sœur Élisabeth de France ; l'infant d'Espagne est le futur Philippe IV (qui n'a alors que 10 ans !) et l'infante sa sœur Anne d'Autriche.
Comme on le sait, une double alliance unira les deux familles, Louis XIII épousant Anne d'Autriche (28 novembre 1615 à Bordeaux) et Élisabeth de France épousant le futur Philippe IV (25 novembre 1615 à Bordeaux). Ces tableaux ont été réalisés à Poitiers en septembre 1615, préalablement au double mariage.
On y relève les liens de parenté tels qu'ils étaient comptés par le droit canon. Ce qui est très utile aux généalogistes.

Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 6392.

[ Modified: Saturday, 21 November 2020, 12:19 PM ]
 
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Ce texte, extrait des livres de couleur du Châtelet de Paris (Archives nationales, Y 6/6, f°102 r°), est une sentence rendue par le Parlement de Paris le 8 août 1523, ordonnant la première exécution d’un protestant en France.
Le supplicié se nommait Jean Vallière. Natif d’Acqueville, près de Falaise, il était devenu moine augustin au couvent de Livry-en-Aulnois, près de Paris. Progressivement gagné aux idées du cénacle de Meaux puis à celles de Luther, il eut l’outrecuidance d’affirmer publiquement, ainsi que le rapporte le "Journal d’un bourgeois de Paris", que « Nostre Seigneur Jesus Christ avoit esté de Joseph et de Nostre Dame conceu comme nous autres humains ». Il n'en fallut pas davantage pour que sa condamnation à mort soit prononcée, dans des conditions particulièrement atroces, pour servir d'exemple...
Transcription :
« Extraict des registres de Parlement.
« Veues par la court les charges et informacions faictes par le juge et garde des
prevostz et soubz baillye de Poissy ou son lieutenant alencontre de Jehan VALLIERE, soy
disant hermite, prisonnier en la conciergerie du Pallais pour raison des excecrables
et detestables blaphemes par luy dictz et proferez de Nostre Saulveur et Redempteur
Jhesus Crist et de la Glorieuse Vierge Marie sa mere, les interrogatoires et confessions
dudict Valliere faictes par devant aucun conseiller d'icelle court à ce faire par elle
commis, les recollemens de tesmoings et confrontacions faictes audict prisonnier.
Et luy oy et interrogé en ladicte court sur lesdictz cas, lequel c'est advoué
clerc et comme tel a requis estre rendu à son ordinaire. Et tout consideré,
dit a esté que ledict VALLIERE ne sera rendu comme clerc et ne joyra de privilleige
de clericature. Et au surplus la court pour raison desdictz cas a condempné
et condempne ledict VALLIERE à estre mené en ung tumbereau où l'en porte les
immundices de la ville jusques devant l'eglise Nostre Dame de Paris, et illec
requerir mercy et pardon à Dieu et à la Vierge Marie desdictz blaphemes. Et ce
faict estre d'illec mené au marché aux pourceaulx et illec avoir la langue
couppée et après estre bruslé tout vif, son habit et son corps mis en
cendre. Et a ordonné et ordonne ladicte court que le procès faict contre ledict
VALLIERE sera bruslé. Et declaire ses biens confisquez. Faict et excecuté
le huitiesme jour d'aoust l'an mil cinq cens vingt troys. Ainsi signé
MALON. Collation est faicte. »
Ainsi signé : LORMIER, avec paraphe.

Bibliographie :
- Journal d’un bourgeois de Paris (1515-1536), Paris, 1910, pp. 397-398.
- John Viénot, Histoire de la Réforme française, Paris, 1926, vol. 1, p. 90.
- David El Kenz, Les bûchers du Roi : la culture protestante des martyrs (1523-1572), Paris, 1997, p. 10.
[ Modified: Saturday, 21 November 2020, 4:39 PM ]
 
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Nous sommes à Paris en 1598(1). L’établissement de la succession de Paris Hesselin, un riche conseiller du Roi et maître ordinaire de la Chambre des comptes, nécessite de dresser un inventaire des titres et papiers demeurés après son décès. Un gros acte de quelque 144 pages recense ainsi un grand nombre de pièces, tant actes notariés que sentences et autres pièces de procédure. L’écriture du clerc est très cursive et les abréviations y sont particulièrement nombreuses, ce qui fait de cet acte une vraie pièce de choix pour un paléographe !
Ce qui est ici exceptionnel, c’est que le patronyme « parlant » d’une personne citée dans ces pièces fait l’objet d’une abréviation : Anne de Quatrelivres devient ainsi « Anne de IIII L ». Contrairement à l’usage antique, qui notait quatre en chiffres romains sous la forme « IV », les clercs des XVIe-XVIIe siècles lui préféraient la forme « IIII ». Quant à la lettre L placée en exposant, elle prenait la valeur de « livres », l’une des principales unités de compte de l’époque.

Voici cette abréviation replacée dans son contexte :
« Item un brevet dudict Chastelet signé Le Charron et Dunesmes du Vme aoust 1544 contenant
Me Pierre du Hamel, sieur de Guibeville, conseiller du Roy et auditeur de ses comptes,
et damoiselle Anne de Quatrelivres sa femme, de luy auctorisée, avoir vendu et promis garantir
audict Me Paris Hesselin XXVlt. de rente annuelle à eulx appartenant et constituée
par la ville le Vme avril 1543, signé Quentin et Cordelle, pour les
causes et ainsi etc. avec lequel sont les lectres de constitution de ladicte rente
assize sur les fermes de l’imposition du vin vendu en gros, huictiesme
du vin et aultres breuvages vendus au detail et tavernes aux villes et villages à plain
mentionnez par lesdictes lectres, ainsi inventorié au doz de chaque…………..XL. »

(1) Archives nationales, Minutier central, LXXVIII-157, 20 mai 1598.

[ Modified: Saturday, 21 November 2020, 4:44 PM ]
 
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by JF VIEL - Saturday, 21 November 2020, 10:33 AM
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Nos ancêtres adoraient les redondances, les formules juridiques des actes notariés ou judiciaires en regorgent.
En fin d'intitulation des inventaires après décès de l'Ancien Régime, il est ainsi fréquent de rencontrer la formule suivante : "sans aulcuns [biens] en lattiter, cacher, musser ne receller".
Les verbes latiter, cacher, musser et recéler renvoient tous au même sens, celui de cacher, de dissimuler.
Voici l'intitulation d'un inventaire après décès parisien du 2 juillet 1588 contenant cette formule (Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23).

Transcription :

Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23

« L'an mil VC quatre vingtz huict, le samedy après
midy second jour de juillet, à la requeste et presence
de Jehanne BELLENGER, vefve de feu Pierre
SELINCART, vivant marchant suyvant la Court, et elle
de present servante demourant au logis de Nicolas
HARDY, marchant grainnyer demourant à Paris, rue de
Montorguieul, parroisse St Eustache(1). Et aussy
en la presence dudict Nicolas HARDY, beau frere de ladicte
BELLENGER à cause de Jeanne SELINCART à present
sa femme, subrogé
tuteur dudict myneur(2) et à la
conservation du droict qu'il apartiendra, par Jehan
CHAPELLAIN et Jehan MURET, notaires du Roy nostre sire
au Chastelet de Paris soubz signés, fut et a esté faict
inventaire et description de tous et chacuns les biens
meubles, ustancilles d'hostel et aultres choses
demourez après le decedz et trespas dudict deffunct
et qu'elle a de present en sa possesssion et à elle
apartenans, trouvez et estans en la seconde chambre
de la maison où ledict HARDY est à present demourant,
monstrez et enseignez par ladicte vefve après
serment solempnel par elle faict ès
mains desdictz notaires, de tout ce qu'elle a
de present en sa possession et à elle apartenans, monstrer
et enseigner pour estre mys par escript
en ce present inventaire, sans aulcuns en lattiter,
cacher, musser ne receller sur les
peynes de droict en tel cas introduictes,
à elle exprimées et données à
Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23 (2)
entendre par lesdictz notaires, prisez et estimez
par Pierre DAN Lesné, sergent à verge priseur juré
et vendeur de biens meubles ès ville,
prevosté et viconté de Paris, aussi après
serment solempnel par luy faict ès mains desdictz
notaires de tout ce qui luy sera
monstrer priser et estimer en sa conscience
sans porter faveur à l'une ne à l'aultre
des partyes eu esgard au cours et temps
de present et que biens meubles peuvent
valloir, lesquelz il a prisez et
estimez aux sommes de deniers selon
et ainsi que s'ensuit. Ladicte vefve a
declaré ne sçavoir escripre ne signer. »
Ainsi signé : Nicolas HARDY.

Renvois en marge :
(1) « tant en son nom
que comme tutrice et
curatrice de
Jehan SELINCART,
aagé de VI ans
ou environ, filz myneur
d'ans dudict deffunct
et d'elle. »
(2) « quant aux
actions, partage,
division, redition
de compte et
aultres actions
d'entre ledict
myneur et sadicte mere. »

[ Modified: Saturday, 21 November 2020, 4:45 PM ]