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par JF VIEL, samedi 21 novembre 2020, 11:14
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Voici un document intéressant sur le plan généalogique : il s'agit d'arbres généalogiques qui explicitent la triple "parenté qui est entre le Roy et madame sa seur, avec le prince et l'infante d'Espagne". Le Roi est Louis XIII et sa sœur Élisabeth de France ; l'infant d'Espagne est le futur Philippe IV (qui n'a alors que 10 ans !) et l'infante sa sœur Anne d'Autriche.
Comme on le sait, une double alliance unira les deux familles, Louis XIII épousant Anne d'Autriche (28 novembre 1615 à Bordeaux) et Élisabeth de France épousant le futur Philippe IV (25 novembre 1615 à Bordeaux). Ces tableaux ont été réalisés à Poitiers en septembre 1615, préalablement au double mariage.
On y relève les liens de parenté tels qu'ils étaient comptés par le droit canon. Ce qui est très utile aux généalogistes.

Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 6392.

[ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 12:19 ]
 
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Longtemps considérés comme disparus, les Mémoires de la famille de Jean Le Boindre (1620-1693) ont, récemment, été (re)découverts et offrent des perspectives exceptionnelles. Prototype du magistrat, l’auteur est ici un avocat de formation, reçu à la troisième chambre des Enquête du Parlement de Paris en 1645.


Son écrit privé se compose de deux parties bien distinctes. Les deux premiers tiers comportent une « genealogie des Le Boindre et leurs alliances ». Celle-ci a pour but de démontrer l’ancienneté de la famille depuis le fondateur, Nicolas, dont il assure que la filiation remonte au XVe siècle. Il entrecoupe cette démarche par une succession d’inventaires de “pièces et écritures” qui répertorient les possessions familiales. Renforçant son statut, il considère que les biens et les seigneuries « sont l’ame des maisons de campagne ». Ainsi, les fiefs « en conservent le non et celuy de leurs auteurs », de même, ils « rendent leur sejour agreable, par cet ombre d’empire et d’autorité », en permettant de vivre noblement.
Son Testamentqui occupe le dernier tiers de l’ouvrage, s’adresse à ses enfants. Dans cet écrit d’une grande sensibilité, il revient sur sa carrière et sa manière de voir le monde. Et c’est bien le sang qui est au cœur des enjeux politiques et familiaux pour ce magistrat parisien, originaire du Maine, comme en témoigne sa position sur la noblesse :

«

Ainsi, (mes enfans), l’honneur et les veritables marques de la noblesse du sang qui consiste dans unne longue suitte d’ayeuls de merite et de vertu ne manquoint point à vostre famille, elle en estoit en possession depuis trois siecles »

Selon Jean Le Boindre, « le sang » constitue un élément structurant. Ce même sang qui, pour conserver sa valeur, ne doit pas se mêler à un autre moins glorieux et permet de cumuler les vertus des membres du même lignage. Ce principe de distinction renvoie à l’ancrage dans des lignées. L’idée de race se trouve, ici, soulignée par la qualité irréfutable attachée au caractère quasi biologique. À l’image de ce texte, l’importance accordée aux liens familiaux touche l’ensemble de la noblesse, d’épée comme de robe.
En insistant sur le sang bleu, il s’agit pour ce magistrat de souligner l’antiquité de la noblesse héréditaire. Servant historiquement le roi sur les champs de bataille, en versant le sang, il convient que les nobles demeurent exemptés d’impôts, et ce, même si nombre d’entre eux n’ont pas vu une épée depuis longtemps. De plus, en versant l’impôt du sang, les nobles estiment pouvoir incarner une forme de contre-pouvoir face à la domination d’un gouvernement qu’ils jugent gangrené par les roturiers.
Les mérites et la vertu que Jean Le Boindre attache à ses ancêtres sont également un moyen pour ce juge de se positionner vis-à-vis de ses confrères parisiens. N’appartenant pas à une illustre famille de membres du Parlement, il n’est pas davantage en mesure de se prévaloir d’une immense assise financière. En insistant sur l’honneur et la droiture auprès de ses enfants, il se sert de ses ancêtres pour asseoir sa propre carrière.
Engagé dans la Fronde parisienne de 1648 à 1652, Jean Le Boindre considère que cette prise de position politique le rapproche des autres grands parlementaires, tels que Pierre Broussel (1575-1654) ou René de Longueil (1596-1677), son parent. Vaste mouvement de révolte des élites, la Fronde lui offre donc l’occasion de faire valoir ses propres mérites... comme un palliatif de la fortune et de la notoriété. De fait, son regard est original à bien des égards. Il incarne l’esprit de la Fronde parlementaire qui touche tout le royaume de France.

Arbre généalogique

Généalogie insérée au début de l'ouvrage

Baptiste ETIENNE


Bibliographie :
- Jean-Marie Constant, Nobles et paysans en Beauce aux XVIe et XVIIe siècles, thèse en histoire, université de Lille III, 1981
- ID., 
« Terre et pouvoir : la noblesse et le sol », dans La terre à l’époque moderne, Paris : Association des historiens modernistes des Universités, 1983
- Robert Descimon, « Le conseiller Jean Le Boindre (1620-1693) : un destin de vaincu », dans Débats du Parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, vol. 1, Paris : Librairie Honoré Champion, 1997
- Alain Devyver, Le sang épuré. Le préjugés de race chez les gentilshommes français de l’Ancien Régime (1560-1720), thèse de doctorat, Bruxelles, 1973
- Arlette Jouanna, L’idée de race en France au XVIe et au début du XVIIe siècle (1498-1614), thèse de doctorat, Université de Lille, 1976
- Ellery Schalk, From valor to pedigree – Ideas of nobility in France in the sixteenth and seventeenth centuries, Princeton : Princeton University Press, 1986
- Isabelle Storez-Brancourt, « Introduction », dans Débats du Parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, vol. 2, Paris : Librairie Honoré Champion, 2002

[ Modifié: dimanche 22 août 2021, 17:36 ]
 
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par Le Paleoblog, mercredi 6 juin 2018, 12:56
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Alors, ça y est, c’est le premier anniversaire de Paleo-en-ligne.fr !
Et il est grand temps de faire le point. Ce projet, c’est d’abord une amitié. Celle de deux professionnels – Jean-François Viel et Baptiste Etienne – qui se sont lancés contre vents et marrées dans une aventure en partenariat. Tout est né de l’envie de transmettre notre passion : la paléographie.
Proposer un enseignement digne de ce nom et accessible à tous. Notre rêve, nous l’avons réalisé !
À l’heure actuelle, Paleo-en-ligne.fr c’est deux niveaux d’enseignement (Novices et intermédiaires), trois Paléo+ portant sur des thèmes (abréviations, ligatures et généalogie). Ce sont aussi des exercices adaptés et des corrections détaillées. Bref, nous avons réussi ce que nous voulions : proposer à tous une formation complète et accessible. Sans compter que vous ne trouverez cela nulle part ailleurs !



Paleo-en-ligne.fr

Paleo-en-ligne.fr, c’est aussi une mise à jour du site. Alors bien sûr, le site est “plus beau”, c’est ce que tout le monde peut constater de l’extérieur, mais il est aussi plus rapide et cela nous offre toute une palette d’améliorations pour l’avenir.
Nous nous sommes attelés à mettre en place des tutoriels très complets pour vous permettre de prendre en main facilement notre plateforme. Et c’est sans compter notre service client qui s’est montré à la hauteur chaque jour.
Paleo-en-ligne.fr, c’est encore la mise en place d’un cycle d’initiation gratuit. 12 vidéos et des articles portant sur divers sujets (les abécédaires, la différence entre le s et le f, les petites erreurs à éviter...). En somme, tout un arsenal pour vous permettre de débuter la paléo à votre rythme et depuis chez vous !


Conseils
Cycle d'initiation

Vous avez pu le constater au cours de l’année écoulée, nous nous sommes efforcés de rester à l’écoute de vos envies et de vos besoins pour améliorer continuellement notre service. Nos outils paléographiques (Glossaire & biblio) ont été développés. C’est ce qui explique la mise en place de gigantesques bases de données.
Celles-ci permettent à tous nos apprenants de chercher eux-mêmes des solutions lorsqu’ils rencontrent des difficultés dans les archives. Des milliers de mots, de lettres, de ligatures, d’abréviations... sont concentrés en un seul endroit. Nous avons aussi créé un glossaire composé déjà de plus de 400 termes et dans lequel nos apprenants peuvent ajouter leurs propres mots et définitions.



Paléographie (Aide bénévole)

 

Le partage de notre passion, ce n’est pas que Paleo-en-ligne.fr, c’est aussi son extension bénévole avec la création d’un groupe d’entraide sur les réseaux sociaux : Paléographie (Aide bénévole). Inutile de dire que nous avons été surpris par sa réussite ! Des centaines de membres en l’espace de quelques semaines.
C’est véritablement notre petit paradis : de la bonne humeur, de l’humour, de la compétence... que demande le peuple ? Si on devait résumer : tout cela, c’est pour vous. Les apprenants et le public sont manifestement au rendez-vous, des mentions j’aime, une confiance de tous les instants et un franc soutien. Aucun doute, tout cela... c’est grâce à vous !
Alors, on ne vous remercie jamais assez mais, cette fois, cela nous semble essentiel. En avant donc pour une nouvelle année que nous souhaitons aussi riche que la précédente !

J-F & Baptiste

 

Bon anniversaire
Paleo-en-ligne

Un grand merci à Gérard Caye pour cette jolie illustration !

 

[ Modifié: dimanche 3 mars 2019, 09:08 ]
 
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par Le Paleoblog, mardi 29 mai 2018, 10:58
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Ceux qui commencent à connaître mes articles savent bien que je n’ai pas choisi ce texte pour sa graphie... il faut même dire qu’elle est plutôt désagréable. Prieur de Saint-Ouen de Rouen de 1663 à 1669, Victor Texier (1617-1703) l’auteur de ces Mémoires, n’entrera donc jamais dans la longue liste des auteurs dont la plume titille mon âme de paléographe. Néanmoins, l’anecdote qu’il relate est précieuse puisqu’elle constitue le point de départ de l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui.


« Ce Mr de La Croisette estoit 1 homme d'esprit et de teste,
mais sorty de         et origine du Bas Languedoc,
il avoit espousé l'heritiere du Rolet. Dans la
recherche qu'on fit lorsque j'estois prieur de Caen
et dont Mr Cousin etoit le traitant, Madame du
Rolet me vint voir et me demanda s'il n'y
avoit pas au Bas Languedoc une abbaye
apellée Aniane, "ouy et j'en conois fort le prieur".
"Ecrivez luy, je vous prie, dans une recherche
on a besoin de tous les tiltres, qu'il vous 
envoye ceux de la noblesse de mon mary, dont
les ancestres sont fondateurs de cete abbaye et
enterrez là, dans une manifique sepulture. »

La femme d’Anne Le Blanc du Roullet ( -1680), seigneur de La Croisette, vient demander de l’aide à un religieux bien dans le monde et en relation avec de nombreuses personnalités normandes. Elle souhaite alors entrer en contact avec le prieur de l’abbaye d’Aniane, en Languedoc. La raison de cette requête ? Dans le cadre “d’une recherche” anodine, cette femme aurait besoin de se procurer les titres de noblesse de son époux. A priori, cela ne pose aucun problème et Victor Texier accepte la commission. Rien de plus normal puisque Monsieur de La Croisette est un ancien gouverneur et bailli de Caen. Considéré comme “le favoris” du duc de Longueville, le gouverneur de la province. Bien implanté en Normandie, La Croisette y possède de nombreuse terres. Il a incontestablement de l’entregent et a même été en contact direct avec Mazarin à plusieurs reprises.
Sauf que... quelques temps plus tard, Anne Le Blanc du Roullet, seigneur de La Croisette, vient en personne à la rencontre de Victor Texier. “Il parla de mille choses indiferentes”, comme pour noyer le poisson avant d’en venir à l’essentiel. Et l’essentiel c’est bel et bien de discréditer sa femme en assurant qu’elle est “folle”. Notre prieur en convient volontiers en affirmant qu’il “l’apelloit ainsy et avoit raison”. La Croisette affirme alors qu’il n’y a nul besoin de rechercher de titres puisqu’on “me connoist et on sçait ma noblesse”. D’un commun accord, les deux hommes décident de ne pas pousser plus avant les recherches.
Ce que Victor Texier ne dit pas, lors de la rencontre, c’est qu’il a déjà reçu la réponse du prieur languedocien et elle est sans appel ! Toute cette histoire de noblesse n’est en fait qu’une “chansson” et les La Croisette ont usurpé leurs titres. Après avoir fait fortune en Languedoc, ils déménagent en Normandie pour vivre noblement et faire croire à une ascendance illustre. Or, le patriarche de la famille n’était qu’un “malheureux, dont à peine conoissoit-on la famille”. L’affaire est donc enterrée discrètement...
Dès le milieu du XVIe siècle, le genre de la généalogie se développe en lien avec l’affirmation identitaire. Au même moment, se met en place l’usage de parentés fictives à travers toute l’Europe. En France, l’étude des bourgeois de Valencienne conduit à déceler des embellissements de généalogies par la création d’origines nobles totalement fictives, « mais crédibles ».
Toutefois, si au début de l’époque moderne, il suffisait de vivre noblement sur trois générations pour être reconnu comme tel, à partir du XVIIe siècle l’autorité royale souhaite incarner la seule source de prestige en la matière. Excessivement fréquents, ce genre de cas encouragent la Couronne à mener aux grandes recherches de noblesse à partir de 1666, dont l’objectif est de taxer des “finances” pour de prétendues maintenues de noblesse. Il convient alors de vérifier attentivement les preuves de noblesses, et ce, même pour les familles les plus illustres. Évidemment, on trouve des “pièces originales” des plus douteuses pour les plus hardis et, parfois, un malencontreux incendie de papiers est si vite arrivé... Du reste ces maintenues de 1666 et 1696 font souvent l'objet de contestations au siècle suivant, ce qui donne à la Couronne l'occasion de taxer de nouvelles "finances".
En somme, s’il n’y avait qu’une seule leçon à retenir de cette affaire, c’est que les sources doivent être vérifiées et plutôt deux fois qu’une, même lorsque l’antiquité de noblesse paraît assurée.   

 

Baptiste Etienne


Source :
BnF, F FR 25 007, Mémoires, par Victor Texier, f° 27 et 28


Bibliographie :
-   Germain BUTAUD et Valérie PIETRI, Les enjeux de la généalogie (XIIe-XVIIIe siècle). Pouvoir et identité, Paris : Autrement, 2006
-   Yves JUNOT, Les bourgeois de Valenciennes - Anatomie d’une élite dans la ville (1500-1630), Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2009 (https://books.google.fr/books/about/Les_Bourgeois_de_Valenciennes.html?id=-bjgxgNWOGsC&redir_esc=y)
-  Valérie PIETRI, « Vraie et fausse noblesse: l’identité nobiliaire provençale à l’épreuve des reformations (1656-1718) », Cahiers de la Méditerranée, n° 66, 2003 (http://journals.openedition.org/cdlm/117)
-   Augustin REDONDO, « Légendes généalogiques et parentés fictives en Espagne au Siècle d’Or », dans Les parentés fictives en Espagne (XVIe-XVIIe siècles), Travaux du « Centre de recherche sur l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles », Paris: Publications de la Sorbonne, 1988

[ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 17:07 ]