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par Le Paleoblog, mardi 19 janvier 2038, 03:14
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Ce blog a pour objectif de vous faire partager les découvertes, les coups de cœur et les astuces de deux paléographes professionnels passionnés par leur métier.

Si vous aimez l’histoire, la généalogie, la paléographie, n’hésitez à parcourir régulièrement ce blog !


 

[ Modifié: mardi 29 mai 2018, 14:21 ]

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par JF VIEL, mercredi 20 juillet 2022, 18:52
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Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167

Une rixe au jeu de paume (1557)

Du XVIe au milieu du XVIIe siècle suivant, le jeu de paume est un sport qui a provoqué un véritable engouement social. Ancêtre de notre tennis, il se jouait avec une raquette tendue de cordes (qui avait progressivement remplacé un battoir de bois) et une balle de cuir garnie d’une bourre de laine, l’esteuf. En ville, la courte paume se jouait dans des salles complètement fermées, d’environ 10 sur 25 mètres, aux murs peints en noir pour faire ressortir l’esteuf, blanchi à la farine.

La consultation d’archives notariales urbaines du XVIe siècle, comme celles de Paris, révèle une activité des maîtres esteufiers et des maîtres paumiers-raquettiers particulièrement intense : les ventes et les baux de salles de jeu de paume y côtoient les contrats d’association et les contrats d’apprentissage, l'ensemble constituant une documentation presque aussi volumineuse que celles concernant les activités de première nécessité, telles que la boulangerie ou la maçonnerie…

Les jeux de paume, lieux de plaisir, accueillaient également en leurs murs des jeux d’argent plus ou moins licites. Le terme de tripot, qui qualifiait à l’origine ces salles de sport, a ainsi progressivement dérivé vers le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Outre les archives notariales, les jeux de paume ont également beaucoup nourri les archives judiciaires, de par les rixes et voies de fait qui s’y produisaient inévitablement.

En voici un exemple en 1557 : deux Parisiens se querellent au jeu de paume du Cheval blanc, situé place Maubert, ce qui a pour effet que l’un d’eux est atteint à « la mamelle du costé senestre » d’un coup de dague. Le Châtelet de Paris est aussitôt saisi, un commissaire est nommé pour mener l’information, et l’agresseur est jeté en prison. Finalement, pour mettre un terme à une procédure criminelle risquant de s’éterniser et éviter d’importants frais de justice aux deux parties, celles-ci décident de transiger devant deux notaires parisiens : moyennant le paiement à l’agressé de la coquette somme de 60 écus d’or soleil, l’agresseur sera élargi (c’est-à-dire libéré) de prison, et les information et procès criminel seront considérés « nulz comme chose non faicte ne advenue ». Cette façon de mettre un terme à une procédure judiciaire par une transaction notariée était très fréquente sous l’Ancien Régime.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557

« Honnorable homme Michel DU GOGUYER, marchant drappier chaussetier
demourant à Paris, place Maubert, confesse avoir quicté et quicte par ces
presentes du tous dès mainctenant à tousjours sans rappel, maistre Philippes
GENTIL, à present prisonnier ès prisons episcopalles de l'evesché de
Paris, absent, ses biens, ses hoirs etc. tant de tous et chascuns
les interest civil, despens, dommages et interestz qu'il a euz et souffertz
et pourroit cy après avoir et souffrir, pour raison d'un coup de
dague que ledict DU GOGUIER disoit et maintenoit luy avoir esté baillé
depuis certain temps en ça à la mamelle du costé senestre, eulx estans
jouans à la paulme ou jeu de paulme du Cheval blanc, dicte place
Maubert. Et pour raison de quoy ledict DU GOGUIER auroit faict
informer par le commissaire MARTIN et, sur icelle information, obtenu
prinse de corps, et en ce faisant constitué prisonnier ès prisons
du Chastellet de Paris. Desquelles ledict GENTIL, suivant son
requisitoire, auroit esté renvoié prisonnier esdictes prisons dudict
evesché de Paris, où il est comme dict est de present. Laquelle
information partant et procès criminel et autres contre ledict GENTIL faictz
sont et demourent nulz comme chose non faicte ne advenue,
que de toutes autres choses generallement quelzconques
dont ledict DU GOGUIER luy eust peu faire demande, action et poursuitte
de tout le temps passé jusques à huy, dacte de ces presentes.
Ceste quictance generalle ainsi faicte tant moyennant
la somme de soixante escuz d'or soleil que pour ce ledict
DU GOGUIER en confesse avoir eue et receue dudict GENTIL,
dont etc. quictant etc., que aussi que ledict DU GOGUYER
sera et demourera quicte envers ledict GENTIL de toutes
choses quelzconques jusques à cedict jour. Et en ce faisant,
ledict DU GOGUIER consent et accorde par ces presentes, en
tant que à luy est, ledict GENTIL estre mis hors desdictes
prisons à pur et à plain. Et demeurent tous procès qu'ilz avoient
entre eulx pour raison de ce nulz et assopiz, sans aucuns
autres despens, dommages ne interestz, et à la charge que
chacun d'eulx paiera son procureur et conseil. Promectant etc. Obligeant etc. Renonceant etc. Faict et
passé l'an mil Vcinquante sept, le mardi neufiesme jour de
novembre. »

Ainsi signé : K. FARDEAU, notaire, avec paraphe / T. PERIER, notaire, avec paraphe.

Arch. nat., Minutier central, XI-37, 9 novembre 1557.
Illustration : Bibliothèque municipale de Rouen, Leber 6116-2-167.


[ Modifié: jeudi 21 juillet 2022, 07:01 ]

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    « Préséance : droit issu d'un privilège, créé par l'usage ou institué par une règle, de prendre place au-dessus de quelqu'un, de le précéder dans une hiérarchie protocolaire »


    Le document présenté aujourd'hui est rare : il s'agit d'un plan de la Grand'Chambre du Parlement de Bordeaux. Cette chambre est la principale et la plus prestigieuse de cette cour de justice provinciale. À l'occasion de la tenue du lit de justice – séance solennelle en présence du roi – de Louis XIII le 10 décembre 1615, on dresse ce visuel qui offre la liste précise des officiers présents et indique leur place en fonction des règles de la cérémonie.

    BnF Français 6392
    BnF, Français 6392Contrats et cérémonies de mariages de rois et princes (XV e-XVIIe siècles)

    Quel est l'objectif ? Dans une société d'ordres, les conflits de préséances entre les membres d'une institution constituent un point central qui permet aux institutions d'exister et de témoigner de leur rang. Dresser un tel plan protocolaire, reflète donc la volonté de se prémunir d'une éventuelle tension basée sur des revendications impromptues le jour de l'évènement.
    Ainsi, en séances, en cérémonies, en processions ou dans tous les moments de la représentation sociale, les institutions et les hommes ne cessent de rivaliser pour affirmer leur place dans la société d’Ancien Régime. Chaque positionnement révèle un rang social et chaque écart fait l’objet de conflits visant à asseoir ses prétentions. Divers témoignages montrent donc un monde où le conflit a un rôle dans la régulation sociale, et ce, à toutes les échelles. Chaque homme, chaque officier, chaque institution cherche à se positionner par rapport aux autres. C’est bel et bien le regard extérieur qui donne un rang dans la société d’Ancien Régime.

    Comment déterminer la place de chaque officier ?
    Selon l'historienne Fanny Cosandey, on s'attache aux exemples puisés dans les cérémonies passées. Et pour cause, aucune constitution écrite ne valide alors l'organisation des pouvoirs. Chacun doit donc mettre en place des tensions, dont le point d'équilibre permet la reconnaissance de son autorité propre. C'est d'ailleurs, ce que reflète le Traicté de l'Eschiquier et Parlement de Normendie, rédigé par Alexandre Bigot de Monville :

    BM Rouen
    Bibliothèque municipale de Rouen, Y 23, coll. Martainville, Traicté de l'Eschiquier et Parlement de Normendie

    Comme dans l'ensemble des documents de sa main, son écriture brouillonne est de petite taille surchargée et raturée. Son style aride de la décennie 1640 demeure particulièrement répétitif et parfois technique. Néanmoins, le Traicté est sans doute le manuscrit le plus abouti que nous ayons de ce magistrat. Composé de soixante-quatorze folios, il semble avoir été rédigé en vue d’une éventuelle édition. En effet, la structure même de ce texte est particulièrement élaborée et, comme l’auteur le note dans la préface, il aborde un sujet qui « n’a point encor, que je sçaches, esté expliqué par aucun autheur ». Bigot de Monville entreprend un véritable travail de spécialiste sur la cour souveraine dans laquelle il officie au quotidien, dans le sens où il mobilise des sources, qu’il mentionne systématiquement, afin de donner corps à son exposé. Au cœur des enjeux de son époque, il y aborde, notamment, la problématique des préséances rouennaises avec une perspective de temps long. Et, parmi les multiples exemples qu'il présente, nombre d'entre eux montrent qu'anticiper les tensions ne suffit pas toujours. Ainsi, en 1618, la situation dégénère aux portes de la ville :

    « En effet, ses deputés s’etant rendus le 16 janvier jour de l’entrée en robbe et en bonnet montés sur leurs mulles, à la porte de Saint Hilaire, ils trouverent quelques deputés de la Chambre des comptes sous la voutte »

    Allant à l’encontre de tout ce qui était convenu au préalable, deux officiers d'une autre cour souveraine – la Chambre des comptes – cherchent à imposer leur présence entre les murs de la ville (prérogative théoriquement réservée à l'institution la plus prestigieuse). Les parlementaires s’apprêtent à les repousser, mais ils engagent un affrontement armé afin d’écarter les huissiers du Parlement. En découle un attroupement dans lequel des mulets sont blessés, avant que les membres de la Chambre – largement inférieurs en nombre – ne se décident à battre en retraite. Au lendemain de cette procession qui a failli tourner à l’émeute, le Parlement engage un harcèlement judiciaire à l’encontre des officiers des Comptes jugés responsables de cette situation. Sans trouver véritablement de débouché, cette rivalité ressurgit quatre ans plus tard puisque les officiers de la Chambre « ne laisserent pas echapper cette occasion d’etendre leurs pretentions » et cherchent, encore, à se placer au même niveau que le Parlement. Il faut attendre 1640 et l’intervention du chancelier de France, pour voir les prétentions de la Chambre des comptes s’éteindre durablement. 
    Ce type de conflits enkystés et se prolongeant sur plusieurs décennies démontre à quel point il est prudent de prévoir un plan censé lever toute ambiguïté protocolaire. En prévoyant précisément et en amont la place de chacun, on cherche donc à anticiper et à se prémunir de ces tensions récurrentes et anciennes. La problématique des préséances se rencontre à tous les étages de la société d'Ancien Régime (confréries, corporations, bancs de l'église, etc.). Ce type de contentieux visent à imposer ses prérogatives et son rang par rapport aux autres. Dans les faits, les désordres rituels – et parfois violents – qui s'expriment alors forment un moyen paradoxale d'imposer un ordre. Faire respecter son rang social permet donc d'éviter que des conflits encore plus importants n'éclatent. Pour trancher ces tensions structurelles et trouver une issue, l'arbitre est le plus souvent l'autorité royale. En somme, seule la décision du roi permet de faire émerger une nouvelle jurisprudence, qui est elle-même contestée immédiatement ouvrant un nouveau cycle de rivalités.

    Baptiste ETIENNE

    Sources :
    - BnF, Français 6392
    - Bibliothèque municipale de RouenY 23, coll. Martainville
    - Trésor de la Langue Française informatisé

    Bibliographie :

    - Fanny Cosandey, « Participer au cérémonial – De la construction des normes à l’incorporation dans les querelles de préséances », dans Trouver sa place – Individus et communautés dans l’Europe moderne, Madrid : Casa de Velázquez, 2011
    - ID., Le rang – Préséances et hiérarchies dans la France d’Ancien Régime, Paris : Éditions Gallimard, 2016
    - Isabelle Dasque (dir.), « Faire l’histoire des parlements d’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles) », Histoire, économie & société, 31e année, 2012
    - Raphaël Fournier, « Les rangs et préséances comme objets de l’histoire constitutionnelle. Le cas de l’ancien régime », Droits, vol. 64, n° 2, 2016
    - Caroline Le Mao, Parlement et parlementaires – Bordeaux au Grand Siècle, Paris : Champ Vallon, 2007
    - Gaël Rideau, « La construction d’un ordre en marche : les processions à Orléans (XVIIe-XVIIIe siècles) » dans Ordonner et partager la ville (XVIIe-XIXe siècle), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011


    Transcription de la première page du Traicté :

    Præface

    [1] Le subject que j'entreprens en ce volume n'a point encor, que je sçaches, esté expliqué 
    par aucun autheur duquel les œuvres ayent esté donnez au public. [Bernard][1] de La Roche Flavin [2] 
    a composé un livre intitulé des Parlemens de France, mais n’ayant vescu que dans les Parlemens
    de Paris & Tholose il n’a rien dict des autres parlemens ou fort peu de chose. Me Guillaume
    Terrien [3] dans son Traicté du droict civil de Normandie, a inseré un livre[4] divisé en 16 livres
    en a faict un livre de la cour de Parlement, mais il n'a faict qu’esbaucher la matiere
    & n’a parlé que des choses qui peuvent estre notoires à un advocat & non à l’interieur de
    la compagnie dont [à peine avoit il][5] veu les registres & n[6] des arrests, mais non les registres
    secrets [7] ny assisté aux deliberations. Les commentateurs de la Coustume de Normandie en
    ont expliqué les articles, sans parler de ce qui concerne le Parlement[8] cette matiere.

    [2]
    Je traicteray donc en ce receuil de l’establissement de l’Eschiquier & Parlement de Normandie, 
    de la creation & suppression des offices du Parlement, de la division & competence des chambres, 
    des privileges & prerogatives de la compagnie & officiers d’icelle, des reglemens entre divers 
    officiers dudict Parlement, des contentions[9] survenues entre le Parlement & les autres compagnies
    & officiers, de la forme observée aux actions & ceremonies publiques & autres choses
    semblables.


    [1] Bigot de Monville écrit initialement « le sr ».
    [2] Bernard de La Roche-Flavin (1552-1627). A d’abord été avocat au Parlement de Toulouse, conseiller à la sénéchaussée en 1574, magistrat au Parlement de Paris en 1582, puis président à la chambre des Requêtes du Parlement de Toulouse.
    [3] Guillaume Terrien ( -1574). A été avocat, lieutenant commis du sénéchal et garde du temporel et aumône de l’archevêque de Rouen, puis procureur du roi au bailliage de Dieppe. La première édition de ses Commentaires du droit civil a été publiée à titre posthume. Deux autres éditions ont suivi en 1578, puis en 1654.
    [4] Ces éléments sont rayés dans le document original.
    [5] L’auteur écrit d’abord « il n’auroit pas ».
    [6] L’esperluette est biffée dans le manuscrit.
    [7] Registres qui offrent des transcriptions des délibérations ayant eu lieu à la Grand’Chambre ou lors de l’assemblée des chambres. L’ordre des actes et délibérations est rapporté de manière chronologique et l’écriture est contemporaine des événements. Toutefois, certains actes officiels qui y figurent sont rapportés entre le résumé de deux délibérations, laissant penser que chaque délibération pouvait être transcrite sur une feuille volante, avant d’être réécrite sur le registre (Mathieu Servanton, « Les registres du parlement de Bordeaux sous Louis XIII, présentation et enseignements », Histoire , Économie & société , 2012).
    [8] Les termes sont rayés dans le document.
    [9] L'auteur évoque ici, pudiquement, les conflits de préséance.

    [ Modifié: dimanche 22 août 2021, 17:31 ]

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      par JF VIEL, samedi 21 novembre 2020, 10:33
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      Nos ancêtres adoraient les redondances, les formules juridiques des actes notariés ou judiciaires en regorgent.
      En fin d'intitulation des inventaires après décès de l'Ancien Régime, il est ainsi fréquent de rencontrer la formule suivante : "sans aulcuns [biens] en lattiter, cacher, musser ne receller".
      Les verbes latiter, cacher, musser et recéler renvoient tous au même sens, celui de cacher, de dissimuler.
      Voici l'intitulation d'un inventaire après décès parisien du 2 juillet 1588 contenant cette formule (Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23).

      Transcription :

      Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23

      « L'an mil VC quatre vingtz huict, le samedy après
      midy second jour de juillet, à la requeste et presence
      de Jehanne BELLENGER, vefve de feu Pierre
      SELINCART, vivant marchant suyvant la Court, et elle
      de present servante demourant au logis de Nicolas
      HARDY, marchant grainnyer demourant à Paris, rue de
      Montorguieul, parroisse St Eustache(1). Et aussy
      en la presence dudict Nicolas HARDY, beau frere de ladicte
      BELLENGER à cause de Jeanne SELINCART à present
      sa femme, subrogé
      tuteur dudict myneur(2) et à la
      conservation du droict qu'il apartiendra, par Jehan
      CHAPELLAIN et Jehan MURET, notaires du Roy nostre sire
      au Chastelet de Paris soubz signés, fut et a esté faict
      inventaire et description de tous et chacuns les biens
      meubles, ustancilles d'hostel et aultres choses
      demourez après le decedz et trespas dudict deffunct
      et qu'elle a de present en sa possesssion et à elle
      apartenans, trouvez et estans en la seconde chambre
      de la maison où ledict HARDY est à present demourant,
      monstrez et enseignez par ladicte vefve après
      serment solempnel par elle faict ès
      mains desdictz notaires, de tout ce qu'elle a
      de present en sa possession et à elle apartenans, monstrer
      et enseigner pour estre mys par escript
      en ce present inventaire, sans aulcuns en lattiter,
      cacher, musser ne receller sur les
      peynes de droict en tel cas introduictes,
      à elle exprimées et données à
      Arch. nat., Minutier central, XXXIV-23 (2)
      entendre par lesdictz notaires, prisez et estimez
      par Pierre DAN Lesné, sergent à verge priseur juré
      et vendeur de biens meubles ès ville,
      prevosté et viconté de Paris, aussi après
      serment solempnel par luy faict ès mains desdictz
      notaires de tout ce qui luy sera
      monstrer priser et estimer en sa conscience
      sans porter faveur à l'une ne à l'aultre
      des partyes eu esgard au cours et temps
      de present et que biens meubles peuvent
      valloir, lesquelz il a prisez et
      estimez aux sommes de deniers selon
      et ainsi que s'ensuit. Ladicte vefve a
      declaré ne sçavoir escripre ne signer. »
      Ainsi signé : Nicolas HARDY.

      Renvois en marge :
      (1) « tant en son nom
      que comme tutrice et
      curatrice de
      Jehan SELINCART,
      aagé de VI ans
      ou environ, filz myneur
      d'ans dudict deffunct
      et d'elle. »
      (2) « quant aux
      actions, partage,
      division, redition
      de compte et
      aultres actions
      d'entre ledict
      myneur et sadicte mere. »

      [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 16:45 ]

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      par Le Paleoblog, dimanche 3 mars 2019, 11:13
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      L’une des grandes difficultés que rencontre quotidiennement le paléographe – de même que l’historien – est d’interpréter avec justesse le sens des mots qu’il a lus. Pour ce faire, et éviter tout contresens dommageable, il doit se débarrasser de ses références culturelles d’homme ou de femme du XXIe siècle, et se mettre dans l’état d’esprit de l’auteur du texte, c’est-à-dire dans le contexte culturel de l’époque de cet auteur ; dans le sillage de Lucien Febvre, les historiens parlent d’outillage mental. La tâche est parfois difficile et les erreurs d’interprétation sont hélas toujours possibles. D’autant que le sens de nombre de mots a évolué, générant de fâcheux « faux-amis ».

      Prenons l’exemple d’une personne qui rencontrerait le mot « amour » dans un acte notarié de l’Ancien Régime et penserait être confrontée à la « violente passion que la nature inspire aux jeunes gens de divers sexes » (Furetière)[1].

      Hélas pour le romantisme, le mot « amour » qui se relève assez régulièrement dans les austères formules juridiques des actes notariés, voire même dans les plumitifs des cours de justice de l’Ancien Régime, n’a rien à voir avec la belle définition de Furetière. Au début de l’époque moderne, « amour » avait certes déjà le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Mais, tout comme en latin (amor, oris, m.), il avait également une autre acception bien plus nuancée, celle d’une simple affection pour quelqu’un (amitié) ou pour quelque chose (intérêt, attrait). Le Dictionnaire Godefroy[2], en donne la définition suivante :

      « Pour l’amour de quelqu’un, par la considération, par l’estime, par l’affection qu’on a pour quelqu’un. »

      C’est naturellement dans ce dernier sens qu’il faut comprendre le mot « amour » rencontré dans les actes notariés et judiciaires.

      Ce sens d’amitié simple s’était certes déjà perdu dans la langue courante de la fin du XVIIe siècle, au profit de notre définition actuelle. Il serait ainsi vain de rechercher dans un dictionnaire du Grand Siècle le sens ancien de ce mot. Mais il ne faut pas perdre de vue que la langue juridique a toujours été particulièrement conservatrice, et qu’au XVIIIe siècle encore, le mot « amour » était toujours utilisé dans les actes notariés dans son sens désormais vieilli.

      À titre d’illustration, voici l’extrait d’un inventaire après décès parisien du début de l’année 1548 (n. st.), où il est question d’une donation faite un siècle plus tôt par « Charles de Mornay pour la bonne amour naturelle qu’il avoyt à Philbert Bastard de Mornay, son cousin ». Notons au passage qu’au singulier, le mot « amour » était toujours du genre féminin dans les textes de l’époque moderne.

      Texte
      Paris, 23 mars 1547 (1548 n. st.), Arch. nat., MC/ET/C/105

      « Item ung mémoire en pappier non signé, dacté
       du XXIIIIe jour d’aoust mil IIIIC XLIX, par lequel appert
       Charles de Mornay, pour la bonne amour naturelle
       qu’il avoyt à Philbert Bastard de Mornay, son
       cousin, luy avoir donné l’hostel appellé l’hostel de
       Guigneville avec toutes les terres, prez, boys, cens,
       rentes, fiefz, arrieres fiefz, la justice qui y
       appartient, ensemble tous les aultres droictz
       quelzconques qui y appartiennent, ainsy que plus à plain
       appert par lesdictes lectres, inventorié au doz……VIxxXIX. »

      L’expression « la bonne amour » apparaît assez fréquemment dans d’autres types d’actes notariés, notamment dans les donations :

      texte 3

      Eu, 3 septembre 1580, AD76, 2E14/744

      …« Ceste donation faicte
       pour la bonne amour naturelle que ledict donneur
       porte ausdictes filles »…

      Texte 2
      Eu, 12 décembre 1596, AD76, 2E14/865

      …« et de la part desdictz sieur et damoizelle
      du Sauchoy a esté par eulx aussy dict et declaré
       que pour la bonne amour qu’ilz ont à ladicte
       damoizelle Ysabeau Le Goix et en consideration
       de sondict mariage, qu’ilz luy avoient et ont par ces
       presentes donné, ceddé, quicté et transporté »…

      Sont également concernés les testaments, où des legs particuliers pouvaient être consentis par le testateur pour « la bonne amour qu’il porte » à tel parent ou à tel ami. Et encore les transactions, où l’on relève souvent la formule « pour nourrir paix et amour ensemble ».

      Cette acception désuète du mot « amour » n’a d’ailleurs pas échappé à Nicolas Buat et Evelyne Van den Neste qui, dans leur excellent Dictionnaire[3], rappellent que ce mot avait, dans les actes notariés, le sens d’affection, de charité civile, et renvoient à l’article amitié.


      Jean-François Viel
      
      

      [1] Antoine Furetière, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Rotterdam, 1690, vol. 1.
      [2] Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle , Paris, 1895, tome VIII, Complément 1, p. 111, col. 3.
      [3] Nicolas Buat et Evelyne Van den Neste, Dictionnaire de paléographie française , Paris (Les Belles Lettres), 2016, p. 41.


      [ Modifié: dimanche 11 avril 2021, 13:43 ]

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      par Le Paleoblog, dimanche 3 mars 2019, 09:29
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      Pour illustrer l’affaire des possédées de Loudun, rien de mieux que ces signatures du pacte supposé du prêtre Urbain Grandier avec le diable. Tout y est pour faire illusion : une graphie particulière, des fourches et des dessins énigmatiques. Faux grossier, produit en justice, ce document démontre parfaitement la situation ubuesque de ce procès en sorcellerie. L’affaire des possédées de Loudun est, sans doute, l’un des cas les mieux documenté. Celle-ci éclate au cœur de l’épidémie de sorcellerie mis en avant par Hugh Trevor-Roper qui frappe le royaume de France de 1560 à 1650. Ainsi, le cas de Loudun n’est pas sans en rappeler d’autres célèbres, telles que la possession de Marthe Brossier en 1599 ou celles d’Aix (1610-1613) et de Louviers (1633-1647).

      Si, progressivement au cours du XVIIe siècle, le rôle joué par les juges dans ce type de procès provoque de plus en plus l’abandon des poursuites, dans les années 1630, nous sommes encore au cœur d’une justice d’exception. Justice d’exception puisqu’elle ne suit pas le cours « normal » d’un procès civil, nous sommes donc confrontés à une situation hors norme. Les problèmes d’interprétations posés par l’histoire de la sorcellerie et de sa répression ne cessent d’interpeller les historiens. La sorcellerie est donc au centre de l’attention des historiens, comme en témoignent les nombreux ouvrages et publications qui se succèdent sur le sujet depuis la publication de Michel de Certeau en 1969. Ainsi, on note le travail conséquent de Robert Mandrou sur le sujet ou encore l’apport de Carlo Ginzburg. Ce dernier voit dans la sorcellerie une formation culturelle organisée autour d’une croyance dans un complot et, il faut bien le souligne, l’affaire de Loudun n’en est pas dénuée. Loudun est ce que l’on peut qualifier une « frontière de catholicité ». 

      Nous sommes aux confins du Poitou et de la Touraine. Loudun, parfois qualifiée de « deuxième La Rochelle » (bien qu’elle n’ait pas subi le même sort dramatique que le port protestant), est une ville aux fonctions administratives et judiciaires. Il s’agit d’un centre intellectuel, une cité prospère et surtout, elle aussi, est une place de sûreté dans une province marquée par la Réforme. Par ailleurs, cette ville est à proximité de la ville neuve de Richelieu et subit une ponction à cette occasion. Ainsi, Richelieu est édifiée entre 1631 et 1642, elle porte l’empreinte de son fondateur et commanditaire, le cardinal de Richelieu. Conçue suivant le principe de la « cité idéale », elle est basée sur un plan en damier. 

      Les années 1630 marque donc un profond bouleversement pour la ville et c’est à cette occasion que Jeanne des Anges porte des accusations en sorcellerie suivant un modèle classique. Ainsi, la prieure des ursulines de Loudun jure que le curé de St-Pierre, Urbain Grandier, l’a ensorcelée au même titre que sa communauté. L’affaire locale prend vite un tour national puisque Grandier est ennemi du cardinal Richelieu et celui-ci pousse à la condamnation.

      Portrait

      Portrait d'Urbain Grandier (1627)

      Tout au long de la procédure judiciaire qui va le broyer, Urbain Grandier reste inflexible. Alors même que la décennie 1630 est marquée par les répercussions du siège de La Rochelle qui illustre la volonté royale d’imposer le catholicisme et de rogner les droits accordés par la mise en place de l’Édit de Nantes, ce prêtre cadre mal avec la réforme catholique. Qui est Grandier ? Urbain Grandier n’avait rien pour « entrer dans l’histoire », a priori. Né vers 1590, il n’est qu’un simple prêtre dans une paroisse urbaine d’une ville secondaire du royaume de France. Fils d’un notaire, il est nommé à l’âge de 27 ans comme curé de cette église et devient chanoine de l’église de Sainte-Croix de Loudun, à partir de juillet 1617. Toutefois, Grandier dérange. Ses sermons attirent les foules et son profil de séducteur fait de lui un tombeur de femmes. Il est responsable de la grossesse de la fille du procureur du roi, alors âgée de 15 ans. Il devait seulement lui enseigner le latin et finit par l’abandonner pour se mettre en ménage avec une orpheline, issue de la haute noblesse et destinée à la religion. Grandier construit alors tout un argumentaire, à travers un Traité contre le célibat des prêtres, pour justifier sa conduite. Iconoclaste, il ne peut que se heurter à la position de l’Église engagée dans la Réforme avec le Concile de Trente. S’il est arrêté pour débauche, celui-ci gagne son procès et revient à Loudun. Démarché par la supérieure du couvent des Ursulines de Loudun, Jeanne des Anges, qui lui propose de devenir le confesseur de la communauté, Grandier se récuse et la supérieure porte son choix sur le chanoine Mignon, ennemi de Grandier. 
      C’est le début de l’affaire puisque durant une dizaine d’années, le confesseur des Ursulines ainsi que nombre de notables vont s’attaquer à Grandier en multipliant les procédures judiciaires et en s’attaquant aux mœurs du curé. Par ailleurs, celui-ci s’était aussi montré discourtois envers Richelieu, alors qu’il n’était pas encore cardinal. Toutefois, en lui prenant la préséance lors d’une cérémonie, Grandier s’en est fait un ennemi. Le cardinal l’avait sans doute oublié, mais dans les années 1630, Richelieu souhaitait faire abattre le château et une partie des remparts et… Grandier s’y oppose publiquement. Mal lui en a pris!

      Portrait 2

      Portrait de Jeanne des Anges

      Jeanne des Anges, née Belcier en janvier 1602, est issue d’une famille de petite noblesse de Saintonge. Après un accident de jeunesse, elle demeure handicapée toute sa vie. Dès l’âge de 5 ans, elle subit une instruction religieuse auprès de ses tantes maternelles, bénédictines à l’abbaye royale de Saintes. Si elle a une instruction rudimentaire, elle maîtrise le latin. Supportant mal les contraintes des règles de Saint Benoît, elle rejoint finalement le noviciat des Ursulines de Poitiers, soumises à la règle de Saint Augustin, en 1622. Un an plus tard, elle prononce ses vœux et prend le nom de Jeanne des Anges. Sa vie est alors jugée inconvenantes et elle-même en convient puisqu’elle écrit que « j’ai donc passé ces trois années en grand libertinage ».
      En 1627, lorsque le couvent de Loudun est créé, elle fait partie du groupe des fondatrices et parvient à se faire nommer prieure. C’est à ce moment et alors même qu’elle ne connait pas Grandier personnellement, qu’elle en vient à l’accuser. Pour autant, à la mort de Grandier, les signes de possession ne cessent pas. À partir de la fin des années 1630, la soeur devient de plus en plus pieuse, voire mystique, et tout rentre dans l’ordre dans le couvent. Son accusation est reprise par nombre d’Ursulines. Au total, neuf religieuses Ursulines seraient possédées ainsi que trois religieuses séculières. À l’image de Jeanne des Anges, toutes accusent Grandier. Poussant des cris, elles appellent le prêtre “leur maître”. L’interrogatoire de Grandier révèle aussi que « toutes les autres possedées firent des cris et des diableries qu’on ne sçauroit exprimer ». De plus, leur exorcisme en public attire une grande foule qui vient tant pour le spectacle que pour se faire peur. Au coeur d’une société très cadrée, ces corps qui se déhanchent dans des positions suggestives et l’expression de propos scandaleux ne peuvent qu’éveiller la curiosité. La ville se divise entre partisans de Grandier et pro possession... l’affaire fait grand bruit!

      On peut alors s’interroger quant à l’intérêt de porter de telles accusations pour ces religieuses. Le simple refus de Grandier de devenir confesseur de la communauté ou le cas psychiatrique de Jeanne ne suffisent pas. Or, le couvent est dans une situation financière très délicate. La reconnaissance d’une possession permet à la communauté de bénéficier d’une pension royale conséquente. Et pour cause, durant quelques années, les Ursulines de Loudun ne recrutent plus et n’ont pratiquement plus de donation. Certaines soeurs accusatrices considèrent même que le chanoine Mignon les aurait incitées à enfoncer le prêtre. De plus, cette affaire donne à Jeanne des Anges une réputation exceptionnelle. Officiellement “convertie” en 1637, elle entreprend un tour triomphal du royaume de France l’année suivante. Considérée comme une thaumaturge et une miraculée.

      Accusé une première fois, Grandier est acquitté, avant que la procédure ne soit relancée par l’intervention royale. Passé à la question (doux euphémisme pour parler de torture), Grandier fait preuve d’une étonnante résistance. Il ne cesse de nier les accusations. Néanmoins, cette fois, rien ne peut arrêter le cours de la justice et sa condamnation à mort est inévitable. Un tribunal d’exception sous-entend la certitude de la condamnation et l’affaire de Loudun se déroule donc logiquement. Le 18 août 1634, le prêtre est envoyé au bûcher après avoir été reconnu coupable.
      Les controverses suscitées par l’affaire des possédées de Loudun contribuent puissamment à la mise en cause des procès en sorcellerie en France. Si la ville est déjà menacée par l’accroissement de la concurrente et voisine Richelieu, son sort s’aggrave encore à partir de l’été 1632 et les scènes de possession du couvent des ursulines. Toute l’affaire est terminée dès 1634, au moment même où l’entrée ouverte dans la guerre de Trente ans devient inéluctable et après la « journée des dupes ». Cette affaire est l’occasion pour le pouvoir de montrer qu’ils agissent fermement sur le front intérieur, en champions du catholicisme. En somme, la ville de Richelieu, symbole de la puissance du cardinal, devient l’instrument de la reconquête catholique et doit l’emporter sur Loudun. La décennie 1630 est aussi marquée par un fléchissement de la monarchie sur ses bases puisque l’absence d’héritier mâle ne cesse de favoriser l’émergence de conflits et de complots. D’une santé fragile, Louis XIII réchappe de la mort à plusieurs reprises et ses relations difficiles avec la reine nourrissent perpétuellement l’espoir des prétendants au trône.
      Finalement, l’affaire des possédées, c’est l’incarnation même de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Ce n’est pas sans rappeler le même type de procédés dans le cadre du tribunal de l’Inquisition qui est – à l’occasion – utilisé pour servir des intérêts commerciaux. Urbain Grandier subit, ici, manifestement une convergence d’intérêts particuliers qui le conduisent directement au bûcher.


      Baptiste Etienne

      Source : 
      - Collin de PLANCY, Dictionnaire infernal ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses qui tiennent des apparitions, à la magie, au commerce de l’enfer, aux divinations…, Librairie universelle de P. Mongié, aîné, Paris 1826
      En ligne : http://www.bmlisieux.com/galeries/dictinf/dictinf.htm

      Bibliographie :
      - Annie ANTOINE, « Ville neuve et géographie des pouvoirs : l’intégration de Richelieu dans le système urbain régional et ses conséquences », dans Vivre en Touraine au XVIIIe siècle, 2003, p. 193-303
      - Michel CARMONA, Les Diables de Loudun – Sorcellerie et politique sous Richelieu, Paris, 1988
      - Michel CARMONA, Sœur Jeanne des Anges : diabolique ou sainte au temps de Richelieu?, André Versaille éditeur, 2011
      - Michel de CERTEAU, « Une mutation culturelle et religieuse : les magistrats devant les sorciers au XVIIe siècle », Revue d’histoire de l’Eglise de France, 1969
      - Michel de CERTEAU, La possession de Loudun, 1970
      - Carlo GINZBURG, Les Batailles nocturnes, Sorcellerie et rituels agraires aux XVIe et XVIIIe siècles, 1980
      - ID., Le Fromage et les vers – L’Univers d’un meunier du XVIe siècle, Paris, 1980
      - Thérèse GRIGUER, « Historiographie et médecine : à propos de Jeanne des Anges et de la possession de Loudun », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1992, p. 155-163
      - Sophie HOUDARD, « La sorcellerie ou les vertus de la discorde en histoire – Réception et influence de Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle », Les cahiers du Centre de Recherches historiques, 1997
       - Sophie HOUDARD, « La possession de Loudun (1632-1637) – Un drame social à l’épreuve de la performance », Communications, n° 92, 2013, p. 37-49
       - Robert MANDROU, Magistrats et sorciers au XVIIe siècle, Paris, 1980
      - Robert MUCHEMBLED, Sorcières, justice et société au XVIe et XVIIe siècles, 1987
      - Hugh R. TREVOR-ROPER, De la Réforme aux Lumières, Paris, 1972

      [ Modifié: samedi 13 mars 2021, 22:58 ]

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      Avatar Le Paleoblog
      par Le Paleoblog, mercredi 6 juin 2018, 12:56
      Gratuit

      Alors, ça y est, c’est le premier anniversaire de Paleo-en-ligne.fr !
      Et il est grand temps de faire le point. Ce projet, c’est d’abord une amitié. Celle de deux professionnels – Jean-François Viel et Baptiste Etienne – qui se sont lancés contre vents et marrées dans une aventure en partenariat. Tout est né de l’envie de transmettre notre passion : la paléographie.
      Proposer un enseignement digne de ce nom et accessible à tous. Notre rêve, nous l’avons réalisé !
      À l’heure actuelle, Paleo-en-ligne.fr c’est deux niveaux d’enseignement (Novices et intermédiaires), trois Paléo+ portant sur des thèmes (abréviations, ligatures et généalogie). Ce sont aussi des exercices adaptés et des corrections détaillées. Bref, nous avons réussi ce que nous voulions : proposer à tous une formation complète et accessible. Sans compter que vous ne trouverez cela nulle part ailleurs !



      Paleo-en-ligne.fr

      Paleo-en-ligne.fr, c’est aussi une mise à jour du site. Alors bien sûr, le site est “plus beau”, c’est ce que tout le monde peut constater de l’extérieur, mais il est aussi plus rapide et cela nous offre toute une palette d’améliorations pour l’avenir.
      Nous nous sommes attelés à mettre en place des tutoriels très complets pour vous permettre de prendre en main facilement notre plateforme. Et c’est sans compter notre service client qui s’est montré à la hauteur chaque jour.
      Paleo-en-ligne.fr, c’est encore la mise en place d’un cycle d’initiation gratuit. 12 vidéos et des articles portant sur divers sujets (les abécédaires, la différence entre le s et le f, les petites erreurs à éviter...). En somme, tout un arsenal pour vous permettre de débuter la paléo à votre rythme et depuis chez vous !


      Conseils
      Cycle d'initiation

      Vous avez pu le constater au cours de l’année écoulée, nous nous sommes efforcés de rester à l’écoute de vos envies et de vos besoins pour améliorer continuellement notre service. Nos outils paléographiques (Glossaire & biblio) ont été développés. C’est ce qui explique la mise en place de gigantesques bases de données.
      Celles-ci permettent à tous nos apprenants de chercher eux-mêmes des solutions lorsqu’ils rencontrent des difficultés dans les archives. Des milliers de mots, de lettres, de ligatures, d’abréviations... sont concentrés en un seul endroit. Nous avons aussi créé un glossaire composé déjà de plus de 400 termes et dans lequel nos apprenants peuvent ajouter leurs propres mots et définitions.



      Paléographie (Aide bénévole)

       

      Le partage de notre passion, ce n’est pas que Paleo-en-ligne.fr, c’est aussi son extension bénévole avec la création d’un groupe d’entraide sur les réseaux sociaux : Paléographie (Aide bénévole). Inutile de dire que nous avons été surpris par sa réussite ! Des centaines de membres en l’espace de quelques semaines.
      C’est véritablement notre petit paradis : de la bonne humeur, de l’humour, de la compétence... que demande le peuple ? Si on devait résumer : tout cela, c’est pour vous. Les apprenants et le public sont manifestement au rendez-vous, des mentions j’aime, une confiance de tous les instants et un franc soutien. Aucun doute, tout cela... c’est grâce à vous !
      Alors, on ne vous remercie jamais assez mais, cette fois, cela nous semble essentiel. En avant donc pour une nouvelle année que nous souhaitons aussi riche que la précédente !

      J-F & Baptiste

       

      Bon anniversaire
      Paleo-en-ligne

      Un grand merci à Gérard Caye pour cette jolie illustration !

       

      [ Modifié: dimanche 3 mars 2019, 09:08 ]

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      Avatar Le Paleoblog
      par Le Paleoblog, mardi 29 mai 2018, 11:57
      Gratuit

      En paléographie, on fait le distinguo entre les écritures posées, ou calligraphiées par un maître écrivain disposant de tout son temps, et les écritures cursives, tracées rapidement par un clerc pris par l’urgence de son activité professionnelle (notaire, juriste, etc.). La très grande majorité des documents manuscrits conservés aux Archives ou en bibliothèque appartiennent à la seconde catégorie, celle des écritures cursives.
      Pour déchiffrer un texte manuscrit de l’époque moderne (XVe-XVIIIe s.), le paléographe doit oublier ses automatismes actuels et « réapprendre à lire » : il lui faut assimiler non seulement la forme des lettres anciennes, mais aussi la façon dont elles étaient reliées entre elles (ligatures) et le système par lequel les clercs d’autrefois abrégeaient les mots. L’acquisition de ces trois éléments indissociables – lettres, ligatures et abréviations – permet une lecture aisée et globale des mots qui composent un texte manuscrit ancien, tout comme on ne décompose pas lettre à lettre les mots d’un texte d’aujourd’hui. 
      La paléographie est ainsi un instrument indispensable pour qui veut pénétrer dans l’univers des recherches historiques ou généalogiques, et accéder aux sources dont ces recherches se nourrissent.

      À titre d’exemple, voici un extrait tiré d’un inventaire après décès parisien de 1599, parfaitement représentatif des écritures cursives de cette époque.

      « Item ung bail faict par ledict deffunct Robert Le Maistre
      à Crestien Le Maistre, laboureur demourant à la Fontayne Bellanger,
      de troys accres troys verges de terre labourable
      en plusieurs pieces, assis au terrouer dudict lieu de la Fontayne,
      dicte parroisse, et ledict bail faict tant aux charges
      y declarées que moyennant la quantitté de dix huict boisseaulx
      de froment de la grande mesure de Louviers, à ung
      sol près du meilleur, payables au terme et ainsy
      qu'il est declaré audict bail signé Chappelain et Thevenain
      datté du XVe mars mil Vc IIIIxx XVII, inventorié au dos
      ................................................................XXI. »

       

      Jean-François Viel

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      par Le Paleoblog, mardi 29 mai 2018, 11:53
      Gratuit

      Les écritures des registres paroissiaux ne sont pas les plus difficiles à déchiffrer, loin s’en faut. Le vocabulaire et les formules qui y sont employés sont très restreints et répétitifs. Beaucoup plus diversifiés sont les actes notariés, aux nuances juridiques infinies, et donnant souvent lieu à des écritures particulièrement cursives. On en a déjà vu sur ma page professionnelle quelques exemples.
      Toutefois le summum de la difficulté paléographique se trouve sans doute dans les plumitifs des cours de justice, où les clercs écrivaient à la vitesse de la parole. Les mentions apposées en marge des pièces de procédure et des sentences, notamment, sont particulièrement difficiles à déchiffrer.
      En voici un court exemple avec la mention apposée au bas d’une sentence d’homologation prononcée par le lieutenant civil du Châtelet de Paris en 1585 :

      Arch. nat., Y 3879

       

      « Prononcé audict Courtin en personne le mercredy XXXe et penultime jour de janvier M Vc IIIIxxV.
      Baillé mynutte au greffe. »
      Les difficultés de lecture que générait ce type d’écriture – et les erreurs qui en résultaient – conduisirent les autorités à prendre des mesures de simplification. Après que les meilleurs maîtres écrivains de l’époque aient été consultés, un arrêt fut rendu le 26 février 1633 par le Parlement de Paris, qui limitait les écritures autorisées à deux types : la ronde ou française pour les professionnels de l’écriture, et la bâtarde ou italienne pour les lettrés.
      On notera cependant que la ronde allait elle-même évoluer vers une écriture aux boucles abondantes, rendant encore difficile la lecture des actes notariés et judiciaires à la fin du XVIIe siècle, et même parfois au siècle suivant.

      Jean-François Viel

      Bibliographie sommaire :
      Claude Mediavilla, Calligraphie : du signe calligraphié à la peinture abstraite, Paris (Imprimerie nationale), 1993
      Claude Mediavilla, Histoire de la calligraphie française, Paris (Albin Michel), 2006
      Nicolas Buat et Evelyne Van den Neste, Manuel de paléographie française, Paris (Les Belles Lettres), 2016

      [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 12:40 ]

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      Gratuit

      De manière générale et contrairement aux idées reçues, le statut de la veuve permet un certain maintien de rang social. Elles bénéficient de diverses formes de solidarité au sein des corporations de métiers ou des confréries religieuses. Toutefois, la question financière demeure alors que près de 30 % des Rouennaises de la seconde moitié du XVIIe siècle meurent après leurs maris.
      Le veuvage entraîne t-il un déclassement économique ? La réponse à cette problématique est complexe, en raison d’un manque de sources fiscales, de livrets de compte ou de toutes autres documents permettant une approche macroéconomique de la situation des femmes seules. Prenons l’exemple de Nouelle Jouane (1605-1668), évoquée quelques mois après son décès à l’âge de 63 ans par son neveu Robert de La Fosse :
      « Il ne faut pas vous imaginer que vostre maison fust en l’estat qu’elle est sans
      l’assistance & assiduité de vostre frere dans la boutique. Ma tante ayant esté
      presque tousjours malade & sans beaucoup de santé depuis vostre dernier depart,
      c’est beaucoup en faire de vous avoir tous eslevés & nouris. […]
      Vous devés sçavoir, la bone femme s’estant embarassez
      plusieurs fois de marchandise sans la vendre et je peus dire,
      sans reproche, que sans mon assistance en diverses rencontre elle eust esté
      assés empeché
      »

      Par la correspondance de ce marchand mercier, on sait que dans l’année qui précède son décès celle-ci est malade « de la goutte ordinaire & d’une siatique dans les rains, dont elle souffre beaucoup ». Durant une vingtaine d’années, elle est veuve d’un marchand mercier, Thomas de La Fosse, et elle reprend alors l’établissement familial à son compte.
      En octobre 1651, en tant que tutrice des enfants mineurs, elle en est encore à tenter de solder les affaires de son époux décédé depuis plus d’une dizaine d’années. Ainsi, elle cherche à recouvrer 295 livres que lui doit un marchand de Flavacourt. Toutefois, afin de maintenir la boutique à flot, elle est contrainte de s’appuyer sur l’un de ses fils et son neveu, alors que son autre fils est installé à Cadix.
      Cette femme joue alors un rôle important dans l’activité familiale en tant qu’intermédiaire avec plusieurs marchands. Comme de nombreuses veuves, elle s’implique dans le commerce et on perçoit son inquiétude lorsque les affaires ne se déroulent pas comme prévu et, notamment, alors que l’un de ses fils perd la somme considérable de 60 000 livres en l’espace de six années. A son décès, elle n’a manifestement aucune dette majeure et dispose de biens meubles et de marchandises, dont des “boucaux de piques” et de la toile qui sont retirés de l’inventaire à cause des créanciers. Par ailleurs, son cas rappelle ceux étudiés par André Lespagnol qui signale 10 % de veuves parmi les négociants Malouins. Celles-ci mènent de vastes opérations commerciales, parfois risquées, comme le montre la faillite retentissante de l’une de ces femmes en 1715.  
      Le décès de Nouelle Jouanne laisse apparaître qu’elle est le véritable ciment du noyau familial puisqu’il provoque une profonde discorde entre ses deux fils au sujet d’une bourse qu’elle aurait constitué pour Jacques de La Fosse, alors installé en Espagne. Anticipant des tensions entre ses deux fils, l’objectif de cette pensée particulière est bel et bien d’éviter tout procès. Or, la disparition de cette bourse entraîne un conflit et les deux frères cessent alors tout commerce ensemble. Se joue peut-être ici le rôle de chef de famille, remis en cause en raison du décès d’une veuve et du non respect de sa volonté d’un partage égal entre ses deux héritiers.
      S’il reste difficile d’établir la situation exacte de Nouelle Jouanne lors de son décès, sa reprise d’une activité marchande est loin d’être un cas isolé.  Ainsi, de 1625 à 1655, les veuves représentent environ 27 % des demandes d’occupation de places dans la halle aux blés, située à proximité des quais au sud du Castrum de Rouen. Après 1625, l’année 1650 est la plus exceptionnelle de ce point de vu puisque trois veuves obtiennent des places. Parmi elles, la protestante Judith Cossart (1602-1684) se voit accorder en juin 1650 le droit « d’occuper sa vie durant » l’espace de vente d’Alexis Le Comte (1590-1650) qui était l’un des anciens marchands de grains. Moins d’une dizaine de jours après son décès, Judith reprend donc la place que son mari avait obtenu en février 1626 à la suite de sa mère, Susanne Le Sueur, « l’une des anciennes marchandes de grains ». Le rôle de la femme - et plus encore de la veuve - est donc de maintenir la place aux mains de la famille. Tout relâchement de ce point de vue entraînerait une forme de déclassement de l’affaire familiale puisque la place serait distribuée à un autre marchand. En parallèle, à la fin du mois de juin 1650, le fils de Judith et d’Alexis reprend la place vacante depuis quatre ans de Michel, son oncle. Ainsi, il convient pour cette famille de marchands de sécuriser deux places vacantes le même mois. Ces exemples de veuves-marchandes invitent donc à réviser notre vision de la solitude féminine et de la déchéance sociale qu’elle pourrait entraîner. Durant l’époque moderne, la veuve a un véritable rôle social et économique. Elle accède à une certaine forme d’indépendance, mais c’est d’autant plus vrai dans un secteur d’activité sans corporation et moins réglementé.
          

      Baptiste Etienne


      Source :
      - AD S-M, 1 ER 2057, Livre de copies - Lettre de commerce de Robert de La Fosse, marchand mercier grossier
      - AD S-M, 2 E 2 2448, Tabellionage, actes du 10/10/1640 et 2 E 1 2471, acte du 04/10/1651
      - AD S-M, 3 E 1 ANC 172, Hôtel de ville - Halle aux grains, actes du 07/02/1626, du 14/06/1650 et du 18/06/1650

      Bibliographie :
      - Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve sous l'Ancien Régime, Paris, Belin, 2001
      - Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, "La femme seule à l'époque moderne : une histoire qui reste à écrire", Annales de Démographie Historique, 2001, p. 127-141
      - Laurence CROQ, "La reprise des commerces en difficulté, l'exemple de la mercerie parisienne de Louis XIV à la Révolution", L'échec a-t-il des vertus économiques ?, Congrès de l'Association française d'histoire économique des 4 et 5 octobre 2013, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, coll. "Histoire économique et financière XIXe-XXe", Paris, 2015
      - Christine DOUSSET, "Commerce et travail des femmes à l'époque moderne en France", Les Cahiers de Framespa, 2006 (http://journals.openedition.org/framespa/57)

      [ Modifié: samedi 21 novembre 2020, 12:48 ]

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